Urteilskopf
94 I 446
61. Extrait de l'arrêt du 18 juin 1968 dans la cause Impérial Watch SA contre Conseil d'Etat du canton du Valais.
Regeste
Steuerbefreiung. Wohlerworbene Rechte.
Eine dem Gesetz gemäss gewährte Steuerbefreiung begründet ein wohlerworbenes Recht. Sie kann nur aufgehoben werden, wenn sie durch ein arglistiges Verhalten des Steuerpflichtigen erwirkt worden ist oder dieser den übernommenen Verpflichtungen nicht nachkommt.
Begriff der "neuen Industrie dauernden Charakters".
A.-
"Impérial Watch SA" est une entreprise de l'industrie horlogère dont le siège était à La Chaux-de-Fonds, et qui commerçait essentiellement avec l'étranger, en faisant préparer des montres par des termineurs travaillant dans leurs propres locaux à La Chaux-de-Fonds, le vallon de St-Imier et même Delémont.
En 1960, elle envisagea d'ouvrir à Saxon son propre atelier de terminage sous la direction de Fernand Rohner, qui travaillait alors comme termineur à La Chaux-de-Fonds. Elle entra en pourparlers avec la "Société valaisanne de recherches économiques et sociales" et la commune de Saxon. Par lettre du 10 novembre 1960, le Conseil communal de Saxon lui confirma qu'à la suite de l'entrevue du 8 novembre, il avait pris acte:
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"- que votre société a abandonné l'idée de construire un atelier du moins dans l'immédiat;
- que vous désirez faire une expérience pour vous assurer de la rentabilité de l'entreprise et qu'en conséquence vous choisissez de louer un local adéquat ou à défaut 2 locaux séparés;
- que vous désireriez par la suite un appui de la Commune pour financer l'achat de machines modernes;
- que le siège social de votre société serait transféré à Saxon dès la fin de cette année",
et qu'il avait alors décidé:
"1) une exonération fiscale en faveur de l'Impérial Watch Co sous réserve de l'approbation des autorités cantonales,
2) une participation de la Commune pour le loyer des locaux servant d'atelier à concurrence de 50% du montant."
Par décision du 29 décembre 1960, l'assemblée générale de la société a transféré son siège à Saxon et modifié les statuts en conséquence.
Le 28 février 1961, le Conseil d'Etat du canton du Valais, donnant suite à une requête de la société du 29 décembre 1960 et sur préavis de la commune de Saxon, décida d'exonérer Impérial Watch de l'impôt cantonal et communal pour les années 1961 à 1965, en se fondant sur l'art. 19 de la loi des finances, qui dispose:
"Le Conseil d'Etat peut exonérer en totalité ou en partie des impôts cantonaux et, les communes entendues, des impôts communaux, les industries nouvelles de caractère permanent, si des intérêts importants de l'économie du canton ou d'une région (une ou plusieurs communes) le justifient; cette exonération peut également être accordée à des entreprises hydro-électriques durant la période de construction.
L'exonération ne peut être accordée pour une durée supérieure à 10 ans."
B.-
Dans le courant de l'année 1962, la société rencontra des difficultés avec son chef d'atelier Rohner, qui avait égale ment monté un atelier de terminage pour son compte, dans le même immeuble. Le 25 octobre 1962, Rohner donna son congé pour le 30 novembre 1962 à la société. Celle-ci, pouvant difficilement faire venir d'ailleurs un chef d'atelier pour remplacer Rohner, décida de mettre fin à son activité à Saxon, d'autant plus que le personnel voulait suivre Rohner. Les salaires et la location furent payés jusqu'à la fin de l'année 1962.
Ayant toujours son siège social à Saxon, la société continua de déposer régulièrement ses comptes annuels et son bilan auprès des autorités fiscales valaisannes.
C.-
Le 19 janvier 1966, la société décida de retransférer son siège à La Chaux-de-Fonds. Cette décision fut publiée dans la FOSC du 25 février 1966.
Le 26 avril 1967, le Service cantonal des contributions écrivit à la société notamment ceci: "... Votre activité en Valais ne présentait donc pas la durée permanente qui est une des conditions d'exonération prévues à l'art. 19 de la loi des finances, de sorte que nous nous voyons obligés de vous notifier les taxations pour les années écoulées". Etaient annexés à cette lettre les bordereaux d 'impôt cantonal pour les années 1961, 1962, 1963, 1964, 1965 et pour 19 jours de l'année 1966. Quant aux borderaux d'impôt communal, ils furent notifiés le 2 mai 1967 pour les mêmes périodes.
La société adressa le 23 mai 1967 une réclamation contre ces taxations au Service cantonal des contributions, contestant le principe de l'imposition, et non pas les montants des bordereaux.
Le 10 octobre 1967, le Conseil d'Etat du canton du Valais, après avoir constaté que par son départ au terme de la période d'exonération, Impérial Watch SA ne remplissait plus la condition d'une "industrie nouvelle à caractère permanent", annula l'exonération fiscale avec effet rétroactif.
D.-
Agissant par la voie du recours de droit public, Impérial Watch SA requiert le Tribunal fédéral d'annuler la décision du Conseil d'Etat du 10 octobre 1967. Elle se plaint de violation de la garantie de la propriété et d'arbitraire. Le service cantonal des contributions conclut au rejet du recours.
Le Tribunal fédéral a admis partiellement le recours.
Considérant en droit:
2.
Une exonération fiscale accordée conformément à une disposition légale crée un droit acquis, qui bénéficie de la garantie de la propriété (RO 65 I 302/3
;
70 I 134
). Elle ne peut dès lors être annulée que si l'autorité a été amenée à l'accorder par un comportement astucieux du bénéficiaire ou si celui-ci n'accomplit pas les conditions qu'il avait acceptées (BLUMENSTEIN, System, p. 225). Cette opinion est partagée par les autorités valaisannes, qui considèrent que la recourante s'était
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engagée à s'établir de façon durable en Valais, mais qu'elle a violé cet engagement en transférant à nouveau son siège et son activité à La Chaux-de-Fonds, ce qui justifierait le retrait de l'exonération.
Or il résulte des lettres de la commune (du 10 novembre 1960) et du Conseil d'Etat (du 28 février 1961) que le seul engagement pris par la recourante à l'époque consistait à transférer son siège à Saxon à fin 1960. On ne lui a nullement imposé d'exploiter son atelier de Saxon pendant un nombre minimum d'années; les autorités fiscales valaisannes savaient au contraire que l'exploitation envisagée à Saxon devait constituer une expérience, que la recourante souhaitait concluante; elles devaient aussi compter, en cas d'insuccès, avec l'arrêt de l'exploitation. Ayant accordé l'exonération en connaissant cette éventualité, elles ne peuvent la révoquer au moment où cette éventualité se réalise par la suite.
Il ressort des explications données par la recourante, et non contestées par le canton du Valais, que ce sont des motifs tout à fait valables qui ont déterminé la société à abandonner son activité à Saxon à fin 1962: en raison du congé donné par Rohner et de l'intention du personnel de suivre son chef d'atelier, on ne pouvait pas raisonnablement attendre de la recourante qu'elle reprenne son expérience ailleurs avec un autre chef d'atelier.
Ainsi l'exonération fiscale - du moins en ce qui concerne l'atelier de Saxon - était conforme à la loi si, au moment où elle a été accordée, la société avait, en toute bonne foi, l'intention d'implanter en Valais une nouvelle industrie à caractère permanent. Or l'ensemble des circonstances permet de conclure que cette condition était réalisée. L'opinion du Conseil d'Etat, selon laquelle l'exonération doit être révoquée dans sa totalité et avec effet rétroactif si la nouvelle industrie ne peut pas se maintenir, n'est pas compatible avec la loi. Le caractère permanent d'une industrie existe indépendamment du fait que telle entreprise particulière de la branche peut ou non subsister du point de vue économique. Aux industries de caractère permanent s'opposent les industries qui, en raison de leur nature même, ne peuvent avoir qu'une activité limitée dans le temps, comme par exemple l'exploitation d'une gravière ou d'un chantier pour la construction d'un barrage hydroélectrique. Ainsi dans la mesure où le Conseil d'Etat prétend imposer
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après coup la société sur le bénéfice réalisé en Valais en 1961 et 1962, sa décision est incompatible avec la loi et la constitution: elle viole un droit acquis de la recourante et, partant, la garantie constitutionnelle de la propriété. Elle doit donc, dans cette mesure, être annulée.
Il en irait autrement si l'atelier fondé en Valais avait, à la fin de la période d'exonération et sans motifs impérieux, été transféré avec machines et personnel dirigeant dans une autre localité en dehors du canton. Une telle manière d'agir eût été contraire au principe de la bonne foi. En ce sens, on peut admettre l'opinion du Service cantonal des contributions, selon lequel il ne s'agit pas uniquement de savoir si, au moment de l'octroi de l'exonération, la nouvelle industrie présentait bien le caractère permanent prévu par la loi; le bénéficiaire d'une exonération ne doit pas, sans motifs impérieux, éluder les espérances du canton et de la commune, qui comptaient, en accordant cette exonération, sur le caractère durable de l'entreprise. Mais on ne peut reprocher une telle attitude à la recourante; au contraire, c'est à fin 1962 déjà que, pour des motifs tout à fait sérieux, elle a dû mettre un terme à son exploitation de Saxon, se contentant de poursuivre un genre d'activité qu'elle avait déjà exercé auparavant en dehors du Valais.
3.
A la suite de l'insuccès de son expérience, la recourante, qui n'avait plus d'activité en Valais, ne pouvait plus bénéficier désormais d'une exonération fiscale fondée sur l'art. 19 LF. Elle devait en être consciente et aurait dû, en vertu du principe de la bonne foi, aviser les autorités fiscales valaisannes de la cessation de son activité à Saxon, à fin 1962. L'exonération fiscale, qui était désormais contraire à la loi, aurait été révoquée à partir de ce moment-là. L'exigence de l'application correcte du droit objectif devait dans un tel cas l'emporter sur celle de la sécurité du droit ou sur l'intérêt au maintien d'une décision antérieure (RO 88 I 227).
Mais le canton n'a eu connaissance de la cessation de l'activité de la recourante à Saxon que par la publication, en 1966, du transfert du siège social de Saxon à La Chaux-de-Fonds. Aussi était-il légitimé à informer la recourante, le 26 avril 1967, que l'exonération fiscale ne pouvait plus avoir d'effet à partir du moment où l'activité industrielle avait été arrêtée; il avait même l'obligation de le faire. Ainsi, dans la mesure où le canton et la commune veulent imposer la société pour les années postérieures
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à la cessation de son activité à Saxon, soit pour 1963, 1964 et 1965, la recourante ne peut pas s'y opposer en faisant valoir l'exonération fiscale accordée en 1961.
4./5. - ...