BGE 98 IA 561 vom 8. November 1972

Datum: 8. November 1972

BGE referenzen:  124 II 409, 130 III 19

Quelle: bger.ch

Urteilskopf

98 Ia 561


82. Extrait de l'arrêt du 8 novembre 1972 dans la cause Gumy contre Bauer et Tribunal de prud'hommes du district de Neuchâtel.

Regeste

Arbeitsvertrag, Kündigungsfrist, verlängerte Wirkung eines Gesamtarbeitsvertrages, Unentgeltlichkeit des Verfahrens, Parteientschädigung.
1. Es lässt sich ohne Willkür annehmen, dass ein Gesamtarbeitsvertrag unter Umständen noch nach Ablauf seiner Gültigkeitsdauer den mutmasslichen Willen der Parteien zum Ausdruck bringen kann (Erw. 1 und 2).
2. Art. 343 Abs. 3 rev. OR über die Unentgeltlichkeit des Verfahrens gilt auch für das Verfahren vor Bundesbehörden, insbesondere für das staatsrechtliche Beschwerdeverfahren. Dagegen kann die unterliegende Partei zu einer Parteientschädigung verurteilt werden (Erw. 6).

Sachverhalt ab Seite 561

BGE 98 Ia 561 S. 561

A.- En novembre 1970, Antoinette Gumy a été engagée en qualité de coiffeuse par Jean Bauer, maître-coiffeur à Neuchâtel,
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avec entrée au 15 décembre 1970. Elle est tombée malade et a été hospitalisée du 30 novembre au 24 décembre 1971, puis du 27 au 31 décembre 1971, du 31 janvier au 3 février 1972 et du 9 au 19 février 1972. Entre-temps, elle a travaillé par intermittence. Le 24 février 1972, elle a remis à son employeur un certificat médical déclarant qu'elle serait probablement capable de reprendre son travail à 50% dès le 1er mars 1972.
Le 29 février 1972, Bauer a écrit à son employée pour lui faire savoir qu'il se voyait obligé, en raison de ses absences, de lui donner son congé pour le 18 mars 1972. Antoinette Gumy a répondu le 2 mars qu'elle considérait cette résiliation comme nulle et qu'elle se présenterait à son travail le 21 mars. Bauer a déclaré maintenir la résiliation du contrat.
Antoinette Gumy a travaillé à mi-temps du 2 au 4 mars 1972. Bauer lui a accordé des vacances du 6 au 11 mars 1972 et a refusé de la reprendre ensuite à son service, tout en lui versant son salaire jusqu'au 18 mars 1972.

B.- Antoinette Gumy a ouvert action contre Bauer devant le Tribunal de prud'hommes du district de Neuchâtel, demandant la condamnation du défendeur au paiement de 1500 fr. Par jugement du 5 juin 1972, le tribunal a considéré que la résiliation avait été valablement donnée; il a cependant condamné le défendeur à payer à la demanderesse 319 fr. 50 à titre de salaire de vacances.

C.- Agissant par la voie du recours de droit public, Antoinette Gumy requiert le Tribunal fédéral de casser, pour arbitraire, le jugement du Tribunal de prud'hommes. Elle sollicite en même temps le bénéfice de l'assistance judiciaire.
Le Président du Tribunal de prud'hommes présente de brèves observations, sans formuler de conclusions précises. L'intimé conclut au rejet du recours.

Erwägungen

Considérant en droit:

1. a) Le Tribunal de prud'hommes a admis que le congé donné par Bauer à la recourante le 29 février 1972 était valable.
Il a considéré que, lors de l'engagement d'Antoinette Gumy, le contrat de travail était soumis à la convention collective nationale des coiffeurs du 26 juin 1968, dont le champ d'application avait été étendu par l'ACF du 29 avril 1969 (FF 1969 I 1161). La décision d'extension portait effet jusqu'au 30 juin 1971. Par arrêté du 3 août 1971, le Conseil fédéral a remis en
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vigueur son arrêté à partir du 23 août, et jusqu'au 31 décembre 1971, en tenant compte de modifications apportées à la convention au sujet des vacances et des salaires (FF 1971 II 391). Selon l'art. 4 de la convention, qui n'a pas été modifié en 1971, le contrat de travail peut être résilié moyennant un congé donné deux semaines à l'avance pour un samedi.
Alors même que la convention collective n'était plus applicable comme telle aux rapports entre les parties au-delà du 31 décembre 1971, le tribunal a admis, au vu des preuves administrées, que les parties avaient entendu maintenir leurs relations de travail sur les mêmes bases que celles qui existaient lorsque la convention collective était en vigueur. En effet, le salaire n'a pas été revu, et les dispositions prises en cas de maladie de l'employée non plus. On peut en déduire, d'après le tribunal, que la volonté présumée des parties était de conserver également les mêmes délais de résiliation, soit 15 jours.
La recourante affirme que le tribunal a appliqué arbitrairement la convention collective de travail qui, d'après elle, ne pouvait plus être appliquée aux rapports entre les parties à l'époque de la résiliation. Elle relève qu'elle n'était pas personnellement liée par la convention collective, n'étant pas membre d'un groupement partie à la convention et n'ayant pas signé une déclaration de "participation" (art. 322 bis anc. CO) ou de "soumission" (art. 356b nouv. CO). D'autre part, la décision d'extension ne liait plus la recourante au-delà du 31 décembre 1971. Or la convention ne peut lier une personne qui n'est pas membre d'un groupement signataire ou qui ne s'est pas soumise à la convention. La décision d'extension n'étant plus applicable, le tribunal aurait dû considérer que ce ne sont pas les clauses de la convention collective mais les dispositions légales qui devaient s'appliquer.
b) Il est constant qu'Antoinette Gumy n'était pas liée par la convention collective nationale des coiffeurs, sauf pendant les périodes au cours desquelles la décision d'extension était applicable. Le Tribunal de prud'hommes ainsi que les deux parties l'admettent d'ailleurs.
La question qui se pose est de savoir si les conditions de travail fixées dans la convention collective ont continué à régir les rapports entre les parties après le 31 décembre 1971, date à laquelle la décision d'extension a cessé de sortir ses effets, ou si, dès le 1er janvier 1972, les conditions prévues par la convention
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collective avaient été remplacées par les dispositions légales applicables à ce moment-là, comme l'affirme la recourante.
Le Tribunal de prud'hommes a admis que, selon la doctrine, les clauses normatives ne deviennent pas, dans le contrat individuel, des éléments constitutifs qui survivent à la convention collective; néanmoins, dit-il, le juge peut admettre dans certaines circonstances que la convention collective exprime, malgré sa dissolution, la volonté présumée des parties. C'est dans ce sens qu'il a admis l'application, en l'espèce, des règles contenues dans la convention collective.
c) Le problème de l'effet prolongé de la convention collective de travail est discuté depuis longtemps par la doctrine, tant à l'étranger qu'en Suisse.
Avant la modification, par la LF du 28 septembre 1956 "permettant d'étendre le champ d'application de la convention collective de travail", des art. 322 et 323 du CO de 1911'de nombreux auteurs ont admis que les dispositions du contrat collectif, dans la mesure où elles modifient celles du contrat individuel, remplacent ces dernières de sorte qu'à l'expiration de la durée de validité du contrat collectif les rapports de travail demeurent régis par les mêmes règles, jusqu'à ce que les parties aient convenu de les modifier ou jusqu'à ce qu'un nouveau contrat ait remplacé l'ancien (BOOs, Der Gesamtarbeitsvertrag nach schweiz. Recht, thèse Zurich 1914, p. 262; CLERC, Essai sur le contrat collectif de travail, thèse Lausanne 1922, p. 151; HUG, Das Kündigungsrecht, 1926, tome I p. 124; DEPUOZ, Der Tarifvertrag nach schweiz. Recht, thèse Zurich 1926, p. 78; GUISAN, La place du contrat collectif de travail dans le système de droit suisse, thèse Lausanne 1936, p. 80). Selon certains de ces auteurs, les dispositions du contrat collectif devenu caduc continuent à valoir en tant que "volonté présumée" des parties (cf. BOOS, HUG, loc.cit.). En revanche, des auteurs soutiennent également l'opinion contraire: ainsi, selon SCHÖNENBERGER (Kommentar, ad art. 323 rem. 11 et 12, p. 1201 s.), les effets du contrat collectif cessent à l'expiration de la validité de celui-ci et, dès ce moment, les contrats individuels sont régis par les dispositions légales.
Lors de l'adoption de la loi de 1956, on a renoncé à réglementer cette question. Mais, dans son Message du 29 janvier 1954 (FF 1954 I 161), le Conseil fédéral a déclaré: "Les clauses normatives sont dépourvues de tout effet indirect et de tout
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effet prolongé. Leurs effets ... se déploient seulement pendant que la convention est en vigueur... Comme celle-ci n'exerce aucun effet prolongé, les clauses remplaçant les accords dérogatoires nuls deviennent caduques dès que la convention collective prend fin. Les clauses normatives ne deviennent donc pas, dans le contrat individuel, des éléments constitutifs qui survivent à la convention collective. Les règles qui s'appliquent à l'égard du contrat individuel, en cas de dissolution de la convention collective, se déterminent d'après les dispositions générales du Code des obligations. Néanmoins, le juge peut alors admettre, en certaines circonstances, que la convention collective exprime, malgré sa dissolution, la volonté présumée des parties". L'Assemblée fédérale a adopté sans modification l'art. 4 du projet devenu le nouvel art. 323 CO. Lors de la revision du 25 juin 1971, les deux premiers alinéas de l'art. 323 CO (qui seuls intéressent ici) ont été repris tels quels - sous réserve d'une modification de pure forme - pour devenir l'art. 357 nouveau.
Ainsi les deux revisions légales de 1956 et de 1971 n'ont pas tranché expressément la question, controversée en doctrine, de l'effet prolongé de la convention collective de travail. On peut cependant déduire ceci de l'art. 323 CO modifié en 1956 et de l'art. 357 nouveau (teneur du 25 juin 1971): il est certain que l'effet direct et impératif ne survit pas à la convention; il n'est pas certain, en revanche, qu'il faille un nouvel accord individuel ou collectif pour que les contrats individuels modifiés par la convention soient à nouveau modifiés, à l'expiration de la convention ou de la décision d'extension, mais on constate, d'après les travaux préparatoires, que tant l'Office fédéral de l'industrie, des arts et métiers et du travail - dans son rapport de 1950 accompagnant l'avant-projet de Loi (p. 28) - que le Conseil fédéral n'ont pas écarté entièrement la théorie de l'effet prolongé; ils ont en effet admis que les dispositions de la convention collective peuvent être considérées, en certaines circonstances, comme l'expression de la "volonté présumée" des parties.
d) Le Tribunal de prud'hommes a reproduit, dans son jugement, les considérations développées par le Conseil fédéral, dans son message du 29 janvier 1954, au sujet de l'effet prolongé de la convention collective. Alors même que la doctrine, à laquelle il a déclaré se référer, est loin d'être unanime sur le
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problème, on ne saurait certainement pas considérer que le tribunal a jugé d'une façon arbitraire en se ralliant à la solution "moyenne" adoptée par le Conseil fédéral: celui-ci en effet, s'il n'a pas admis que les dispositions de la convention collective dont la validité est expirée continuent ipso facto à être applicables aux contrats individuels de travail jusqu'à nouvelle entente entre les parties, n'a pas admis non plus que les dispositions de la convention collective cessent d'être applicables sans pouvoir être considérées comme exprimant la "volonté présumée" des parties. En présence des opinions diverses émises par la doctrine et en l'absence de toute disposition légale expresse, le Tribunal fédéral ne saurait, dans un recours où son pouvoir d'examen est limité à l'arbitraire, faire le choix entre les différentes solutions doctrinales proposées; il doit se contenter de constater que la solution retenue en l'espèce est conforme à celle d'une partie de la doctrine et qu'elle ne saurait, dès lors, être taxée d'arbitraire.

2. La recourante reproche au premier juge de n'avoir mentionné aucun indice à l'appui de la "présomption" qu'il a émise et selon laquelle la convention collective exprime la volonté des parties. Cette affirmation est inexacte. Le Tribunal de prud'hommes a relevé que les parties avaient, après l'échéance de la durée de validité de la décision d'extension de la convention collective, maintenu leurs relations de travail sur les mêmes bases que celles qui existaient auparavant, tant en ce qui concerne le salaire qu'en ce qui touche les dispositions prises en cas de maladie (il s'agit notamment du paiement de la prime d'assurance-maladie, conformément à l'art. 24 de la convention). Il est évident que, pour déterminer la volonté présumée des parties, il n'était pas possible de se référer à la pratique suivie par elles au sujet du délai de résiliation, puisque, sauf cas exceptionnel, le congé n'est donné qu'une fois pendant la durée du contrat; mais il était parfaitement admissible de se référer, pour déterminer cette volonté présumée, à la pratique suivie par elles en ce qui concerne les autres conditions du contrat, comme le salaire et les dispositions prises en cas de maladie. On peut remarquer au surplus qu'en fait, lorsque l'extension d'une convention collective cesse de sortir ses effets par suite de l'expiration de la durée prévue, les contrats individuels se poursuivent en règle générale sur les mêmes bases; il n'est pas d'usage que leurs conditions soient modifiées chaque fois que
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l'échéance de la décision survient, puis qu'elles le soient à nouveau lorsque l'extension est remise en vigueur, ce qui se produit assez fréquemment, comme la présente espèce en fournit l'exemple. 3. ...

4. ...

5. ...

6. a) En ce qui concerne les frais, il convient de remarquer que, selon l'art. 343 al. 3 nouv. CO, les parties (sauf la "partie téméraire") n'ont à supporter ni émoluments ni frais judiciaires dans les litiges relevant du contrat de travail et dont la valeur litigieuse ne dépasse pas 5000 fr.
Sous l'empire de l'art. 29 de la loi sur le travail dans les fabriques (abrogé par la loi du 25 juin 1971), le Tribunal fédéral avait décidé que la gratuité de la procédure, prévue par cette disposition, valait pour tous les degrés de juridiction que le litige pouvait parcourir (RO 62 II 232), y compris pour la procédure devant le Tribunal fédéral (RO 94 II 215) et notamment la procédure du recours de droit public (RO 97 I 308). Il s'agit de rechercher s'il faut interpréter de la même façon l'art. 343 CO et appliquer aussi à la procédure devant le Tribunal fédéral l'al. 3 de cette disposition, relatif aux frais de procédure, alors que l'al. 2 ne s'adresse qu'aux cantons (institution d'une procédure simple et rapide pour le règlement des litiges). Or la situation est la même que sous l'empire de l'art. 29 de la LF sur le travail dans les fabriques; dans ce cas aussi, le législateur avait imposé, aux al. 3 et 4, certaines règles de procédure aux autorités cantonales; cela n'a pas empêché le Tribunal fédéral de déclarer que les al. 5 et 6 relatifs aux frais étaient également applicables à la procédure fédérale. L'art. 343 al. 3 CO doit donc s'appliquer à tous les degrés de juridiction que le litige peut parcourir, notamment aussi à la procédure du recours de droit public.
b) La recourante, qui a été mise au bénéfice de l'assistance judiciaire totale devant le Tribunal de prud'hommes de Neuchâtel, a également requis le bénéfice de l'assistance judiciaire devant le Tribunal fédéral. Dans ces conditions, il y a lieu de lui accorder le bénéfice de l'assistance judiciaire pour la procédure fédérale et de lui désigner un avocat en la personne de son conseil actuel. Quelle que soit l'interprétation que l'on donne à l'art. 343 al. 3 CO, les frais judiciaires ne pourraient de toute façon pas lui être réclamés (art. 152 OJ).
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c) L'art. 343 CO ne prévoit pas que la partie qui succombe dans un litige relevant de cette disposition serait dispensée du paiement de dépens à la partie adverse, mais seulement qu'elle est dispensée du paiement d'émoluments et frais judiciaires. Aussi y a-t-il lieu de condamner la recourante au paiement de dépens envers l'intimé, qui en a réclamé; le montant en sera fixé compte tenu de la nature du litige.

Dispositiv

Par ces motifs, le Tribunal fédéral:
Rejette le recours dans la mesure où il est recevable.

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