Urteilskopf
101 V 208
43. Extrait de l'arrêt du 6 juin 1975 dans la cause St. contre Caisse cantonale valaisanne de compensation et Tribunal des assurances du canton du Valais
Regeste
Auszahlung von Zusatzrenten und Taggeldern an Drittpersonen (
Art. 22 und
Art. 35 IVG
).
A.-
Les époux Pierre et Rose St., nés en 1929 et 1936, sont en instance de divorce. Par jugement du 11 janvier 1972 en matière de mesures protectrices de l'union conjugale, le juge avait autorisé la femme à avoir une demeure séparée et lui avait confié la garde de l'enfant, né en 1959. Considérant que, pour ce dernier, une pension de 420 fr. par mois paraissait équitable et qu'une rente de l'Assurance militaire - consécutive à un traumatisme crânien subi en 1949 à l'école de recrues - de 184 fr. 25 par mois (laquelle devait être portée par la suite à 310 fr. 50 dès 1973 et à 340 fr. par mois dès 1974) était déjà versée à cet effet en mains de l'épouse, il avait fixé à 240 fr. les mensualités dues en sus par le père pour son enfant.
Pierre St. a été victime à fin juillet 1972 d'un accident couvert par la Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents (qui paraît servir une rente de 415 fr. par mois). Par prononcé du 10 janvier 1974, la Commission cantonale valaisanne de l'assurance-invalidité lui a reconnu un taux d'invalidité de 80%, ouvrant droit à la rente dès le 1er juillet 1973, d'une part, et, d'autre part, lui a accordé dès le 14 janvier 1974 et pour 6 mois des mesures professionnelles de réadaptation assorties d'indemnités journalières. Aussi la Caisse cantonale valaisanne de compensation a-t-elle rendu diverses décisions: l'une d'elles, du 12 mars 1974, accordait à l'intéressé une rente entière simple d'invalidité de 620 fr. par mois, pour la période
BGE 101 V 208 S. 209
du 1er juillet 1973 au 31 janvier 1974. Une autre, du même jour, était adressée à l'épouse de l'assuré, à laquelle elle reconnaissait le droit à deux rentes complémentaires (de 217 fr. et 248 fr. par mois); Pierre St. fut formellement avisé du paiement de ces prestations-là en mains de la femme le 14 mars 1974. Une troisième décision, du 17 avril 1974, accordait au prénommé, pour la durée des mesures de réadaptation, une indemnité journalière de 66 fr. 70, dont 26 fr. 10 d'allocation pour personne seule à verser à l'assuré et 40 fr. 60 de suppléments de ménage et pour enfant à verser en mains de la femme.
B.-
Pierre St. a recouru contre deux des décisions ci-dessus, demandant en substance que les prestations soient toutes versées en ses mains, exception faite de la rente complémentaire pour l'épouse.
Le Tribunal des assurances du canton du Valais a invité l'épouse à participer à la procédure. Il a confirmé le paiement en mains de la femme de la rente complémentaire pour l'épouse, mais a nié que, pour les autres prestations litigieuses, les conditions d'un tel versement en mains de tiers soient réalisées. Par jugement du 2 juillet 1974, il a donc admis les recours: annulant partiellement la décision du 14 mars 1974, il a ordonné versement en mains de Pierre St. de la rente complémentaire pour enfant et, annulant la décision du 17 avril 1974, il a ordonné de même versement en mains du précité de la totalité de l'indemnité journalière.
C.-
Rose St. interjette recours de droit administratif. Elle conclut, sous suite de frais et dépens à la charge de la caisse de compensation ou de son mari, au versement en ses mains de la rente complémentaire pour enfant et de l'allocation de ménage.
Tandis que la caisse de compensation appuie les conclusions de la recourante, l'Office fédéral des assurances sociales propose au contraire le rejet du recours.
Quant à Pierre St., il conclut à la confirmation du jugement cantonal, sans frais à sa charge et sous suite de dépens.
Extrait des considérants:
2.
Le versement en mains de la femme de la rente complémentaire pour l'épouse n'est pas litigieux. Cela à juste titre,
BGE 101 V 208 S. 210
l'art. 34 al. 3 LAI prévoyant expressément un pareil mode de versement, dans des circonstances telles qu'en l'espèce; et le juge cantonal a constaté à raison que le fait de n'avoir pas respecté à la lettre certaines exigences administratives de forme n'y faisait pas obstacle.
Plus délicat est le problème de la rente complémentaire pour l'enfant. En effet, l'art. 35 al. 1 LAI désigne expressément le bénéficiaire de la rente d'invalidité comme ayant droit à la rente complémentaire, sans aucunement prévoir - au contraire de l'art. 34 LAI - de versement à un tiers dans certaines circonstances. La seule disposition légale autorisant un versement en mains de tiers est ainsi l'art. 76 al. 1 RAVS, applicable par analogie aux prestations en espèces de l'assurance-invalidité (art. 50 LAI et 84 RAI). Or il faut constater, à l'instar du juge cantonal, que le recours à l'art. 76 al. 1 RAVS n'entre ici pas en ligne de compte. Même si, au mépris de ses devoirs familiaux, l'ayant droit ne subvenait pas à l'entretien de l'enfant, celui-ci ne tomberait pas à la charge de l'assistance publique ou privée: la mère dispose actuellement d'un salaire mensuel de quelque 2'300 fr., d'une rente complémentaire de l'assurance-invalidité de 217 fr. par mois et en sus d'allocations familiales et de la rente de 340 fr. par mois que l'Assurance militaire verse en ses mains.
Il est vrai que, par une interprétation supplétive qui s'inspire notamment de l'esprit de la loi et du but final visé par la rente complémentaire, la jurisprudence a admis en certains cas le versement direct de la rente complémentaire pour l'enfant en mains du tiers qui s'occupe effectivement de l'entretien et de l'éducation de l'enfant, en dehors même de l'art. 76 al. 1 RAVS (voir p.ex. RO 98 V 216). Elle prévoit ainsi que la rente pour enfant à laquelle a droit un père invalide doit, sur demande, être payée en mains de l'épouse séparée ou divorcée lorsque celle-ci détient la puissance paternelle, que l'enfant n'habite pas avec le père invalide et que l'obligation d'entretien de celui-ci envers celui-là se borne au versement d'une contribution. Cette jurisprudence concerne donc des cas où, comme le relève le tribunal cantonal, la situation de droit est claire et en principe stable. Elle ne saurait être étendue à des situations éminemment labiles et provisoires, où le juge civil peut en tout temps prendre les mesures nécessaires à la sauvegarde des intérêts de l'union conjugale, en particulier obliger
BGE 101 V 208 S. 211
un débiteur d'opérer tout ou partie de ses paiements en mains de la femme (art. 171 CCS). Si l'administration intervenait d'elle-même dans de pareilles situations, elle s'immiscerait dans un domaine réservé en principe au juge civil; cette ingérence pourrait contrecarrer fort malencontreusement les mesures prises par ce dernier, certainement mieux à même qu'une caisse de compensation d'apprécier l'ensemble des circonstances familiales.
En l'espèce, une, sinon deux des conditions posées par la jurisprudence susmentionnée ne sont pas remplies: d'une part, le père n'est pas déchu de la puissance paternelle (seule la garde de l'enfant a été confiée à la mère) et, d'autre part, l'obligation d'entretien du père envers l'enfant ne se borne pas au versement d'une contribution mais demeure totale (preuve en soit le montant de pension de 420 fr. indiqué dans le jugement du 11 janvier 1972). Pierre St. a exécuté pour une large part cette obligation par le versement - certes sous contrainte - de sa rente de l'Assurance militaire en mains de l'épouse.
Dans ces circonstances, il se justifie donc de maintenir le paiement de la rente complémentaire pour enfant en mains de l'ayant droit, ainsi que l'a décidé le tribunal cantonal, une décision contraire du juge civil, conformément à ce qui a été dit plus haut, restant réservée (comme elle l'est du reste dans le cadre de l'art. 34 al. 3 LAI).
3.
S'agissant des indemnités journalières, celles-ci sont payées sous forme d'indemnité pour personne seule ou d'indemnité de ménage, ainsi que d'indemnité pour enfant, d'indemnité pour assistance et d'indemnité d'exploitation (art. 23 al. 1 LAI). La loi ne connaît ainsi pas, dans ce domaine, de prestations équivalant à la rente complémentaire pour l'épouse, qui ne saurait dès lors jouir d'un droit semblable à celui que consacre, en matière de rentes, l'art. 34 al. 3 LAI. Quant à l'indemnité pour enfant, elle ne saurait être versée à la mère en l'occurrence, pour les raisons qui ont été exposées au considérant 2 ci-dessus.
Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce:
Le recours est rejeté.