Urteilskopf
104 II 270
45. Arrêt de la Ire Cour civile du 7 novembre 1978 dans la cause Société immobilière Krieg "G" contre Abecassis
Regeste
Art. 254 Abs. 1 und Abs. 2 OR
.
Übergabe einer Wohnung in einem Zustand, der den vertragsgemässen Gebrauch in erheblicher Weise schmälert. Recht des Mieters, nach fruchtlosem Ablauf einer angemessenen Frist, die dem Vermieter zur Behebung der Mängel gesetzt wird, vom Vertrag zurückzutreten.
A.-
Selon contrat de bail du 22 avril 1976, la Société immobilière Krieg "G" (ci-après: S. I. Krieg), représentée par la Société de surveillance générale immobilière J. Ed. Kramer S.A. (ci-après: la régie), a loué à Joseph Abecassis un appartement de quatre pièces sis au premier étage de l'immeuble No 15 de l'avenue Krieg à Genève, pour un loyer annuel de 12'816 fr., charges non comprises. Le bail était conclu pour un an, soit du 1er octobre 1976 au 30 septembre 1977, avec reconduction tacite d'année en année sauf résiliation trois mois au moins avant la fin du contrat. Selon l'art. 25 de celui-ci, l'appartement loué était destiné à dame Micheline Poisot, directrice de l'Hôtel Amat et employée d'Abecassis. Avant la signature du bail, Abecassis avait visité le logement qui était entièrement meublé et qui était occupé par une délégation polonaise.
Le 3 mai 1976, Abecassis a remis à la régie un chèque de 1'160 fr. 50 en paiement du loyer du mois d'octobre et d'un acompte sur les charges et quelques petits frais. En août 1976, il a fait parvenir à la régie un cautionnement de 3'000 fr. souscrit par l'Union de banques suisses.
Vers la fin d'août ou le début de septembre, dame Poisot est allée voir l'appartement, qui était toujours occupé par la délégation polonaise, et a constaté qu'il était en mauvais état; elle a "eu peur des frais qu'elle devrait engager".
Par lettre du 25 septembre 1976, Abecassis a confirmé à la régie l'avis qu'il lui avait donné oralement, savoir qu'il se "désistait" du bail et que, comme convenu, il ferait paraître une annonce dans la Tribune de Genève en vue de trouver un remplaçant. Les personnes qui ont répondu aux sept ou huit annonces ont renoncé à s'intéresser à l'appartement après l'avoir vu.
Un état des lieux a été établi par la régie le 27 septembre 1976, hors la présence d'Abecassis; l'appartement y est qualifié de "très défraîchi". Le 6 octobre 1976, la régie a remis cet état
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des lieux à Abecassis. Par lettre du 21 octobre 1976, Abecassis a sollicité de la régie un rendez-vous sur place, au sujet des réfections et remises en état de l'appartement qu'il n'avait pas visité depuis le départ de l'ancien locataire. Après cet entretien, il a payé le loyer de novembre, soit 1'143 fr.
Le 9 novembre 1976, la régie a chargé l'entreprise Schwab de refaire les plafonds, boiseries et tapisseries du hall d'entrée et du living, ainsi que le plafond de la chambrette, pour le prix devisé à 2'300 fr.
Constatant que l'appartement n'avait pas été entièrement remis en état, Abecassis a fait connaître sa surprise à la régie, par lettre du 17 novembre 1976, lui a signifié qu'il ne prendrait possession des locaux que lorsqu'ils auraient fait l'objet d'une réfection complète et l'a avisée qu'il ne paierait pas le loyer tant que ces travaux n'auraient pas été effectués. Le 1er décembre 1976, par l'intermédiaire de son conseil, il a écrit à la régie que, malgré toutes ses démarches, il n'avait pas pu obtenir que l'appartement, qui était dans un état "innommable", soit remis "dans un état convenable", et qu'il entendait résilier le bail et obtenir la restitution des fonds versés; il invitait dès lors la régie à lui faire parvenir en retour les loyers d'octobre et de novembre 1976 ainsi que la garantie de 3'000 fr. de l'UBS. Le conseil d'Abecassis a confirmé cette résiliation le 7 décembre.
B.-
Abecassis a saisi la Commission genevoise de conciliation en matière de baux et loyers pour obtenir la restitution du montant de 2'286 fr., payé sans cause à titre de loyer, et la libération de la garantie de 3'000 fr. de l'UBS. La tentative de conciliation n'ayant pas abouti, la cause a été portée devant le Tribunal des baux et loyers.
Ce tribunal a interrogé les parties et procédé à une inspection de l'appartement litigieux. Le procès-verbal de cette inspection, qui a eu lieu le 9 juin 1977, contient les constatations suivantes concernant les pièces pour lesquelles la régie n'avait pas prévu de travaux de réfection: le WC de l'entrée "est défraîchi"; "la peinture de la cuisine est très défraîchie (taches de graisse et de fumée)"; dans la plus petite des chambres à coucher, "les papiers peints et les boiseries sont défraîchis:. particulièrement à l'entrée et autour de l'interrupteur électrique"; "les papiers peints de la 2e chambre à coucher sont particulièrement sales et tachés"; "le plafond est également sale et les boiseries sont défraîchies"; "le parquet de la
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2e chambre à coucher est rayé, de même que celui de la 1re"; "les murs de la salle de bains sont défraîchis et comportent des fentes importantes".
Par jugement du 12 janvier 1978, le Tribunal des baux et loyers a déclaré que le demandeur était "lié par le contrat de bail du 22 avril 1976 à la S.I. Krieg "G" du 1er octobre 1976 au 30 septembre 1977" et a débouté "les parties de toutes autres ou contraires conclusions". Il a admis que l'appartement "pouvait:. remplir sa fonction d'habitation, de sorte qu'il n'était pas impropre à l'usage" et que partant le locataire ne pouvait pas se départir du contrat au sens de l'
art. 254 al. 2 CO
. Il a cependant retenu que l'état de l'appartement, même avec les travaux devisés, ne justifiait pas un loyer de 1'068 fr. par mois et qu'une réduction de loyer aurait été ainsi justifiée jusqu'à réfection complète de l'appartement, mais que le locataire ne l'avait pas demandée.
Saisie d'un appel formé par le demandeur, la Cour de justice du canton de Genève, par arrêt du 22 mai 1978, a annulé le jugement de première instance, prononcé que le bail signé par les parties le 22 avril 1976 avait été valablement résilié par le demandeur avec effet dès le 1er octobre 1976, condamné la défenderesse à verser 2'286 fr. au demandeur et dit que la garantie bancaire de 3'000 fr. souscrite par l'UBS le 17 août 1976 était libérée.
C.-
La défenderesse recourt en réforme au Tribunal fédéral.
Elle conclut à ce qu'il soit prononcé que "Joseph Abecassis est lié par le bail du 22 avril 1976 pour la période du 1er octobre 1976 au 30 septembre 1977".
Le Tribunal fédéral a rejeté le recours et confirmé l'arrêt attaqué.
Considérant en droit:
1.
La valeur litigieuse est de 12'816 fr., montant du loyer dû pour la période du 1er octobre 1976 au 30 septembre 1977, durée pendant laquelle la recourante prétend que le bail lie l'intimé. Le recours est ainsi recevable au regard de l'
art. 46 OJ
.
2.
Aux termes de l'
art. 254 CO
, le bailleur est tenu en particulier de délivrer la chose dans un état approprié à l'usage pour lequel elle a été louée (al. 1); si la chose est délivrée dans un état tel qu'elle soit impropre à l'usage pour lequel elle a été
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louée, ou que cet usage soit notablement amoindri, le preneur a le droit de se départir du contrat ou d'exiger une réduction du loyer (al. 2).
Lorsque le locataire a vu ou visité la chose à l'occasion de la conclusion du bail, il y a lieu d'admettre qu'elle se trouve dans un état approprié à l'usage conforme au contrat, à moins qu'elle ne présente des défauts ne permettant pas un tel usage, de sorte que le locataire peut s'attendre, selon les règles de la bonne foi, à ce que la remise en état soit effectuée (SCHMID, n. 14 ad art. 254/5 CO). A la différence de ce qui est prescrit en matière de vente, le locataire n'est pas tenu de vérifier l'état de la chose ni de faire valoir les défauts découverts sans délai (SCHMID, n. 16 ad art. 254/5 CO). Mais le fait de conserver la chose louée et d'en user peut constituer une acceptation de l'état dans lequel cette chose se trouve. Les réfections destinées à permettre un usage conforme au contrat comprennent aussi celles qui concernent la propreté et la remise dans un état convenable et décent de la chose, soit les "Schönheits-Instandsetzungen" (SCHMID, n. 6 ad art. 254/5 CO). Lorsque la chose est dans un état impropre à l'usage pour lequel elle a été louée ou que cet usage est notablement amoindri, le locataire a le choix de se départir du contrat ou de demander une réduction du prix. Si le preneur s'est départi du contrat, le juge ne peut pas de son chef ne prononcer qu'une réduction du prix (SCHMID, n. 21 ad art. 254/5 CO). La résolution du bail selon l'
art. 254 al. 2 CO
n'est pas un cas d'application des art. 107/109 CO (SCHMID, n. 22 ad art. 254/5 CO). Mais, avant de se départir du contrat, le preneur doit fixer un délai convenable au bailleur pour la suppression des défauts de la chose louée. La fixation d'un tel délai n'est pas nécessaire si l'une des situations visées à l'
art. 108 CO
est donnée (SCHMID, n. 25 ad art. 254/5 CO;
ATF 97 II 65
consid. 6).
3.
En l'espèce, il est constant que l'appartement litigieux était en mauvais état, qu'aucune réfection n'y avait été entreprise pendant au moins douze ans et qu'il devait être complètement remis en état pour permettre un usage conforme au nouveau contrat de bail, conclu avec le demandeur, ou à tout le moins pour que cet usage ne soit pas notablement amoindri.
Peu importe que le demandeur ait visité l'appartement avant de signer le bail. Le logement était alors complètement meublé et occupé par le précédent locataire. D'autre part, vu l'état du
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logement, le demandeur était en droit, selon les règles de la bonne foi, de considérer comme allant de soi que les réfections nécessaires seraient faites pour permettre un usage correspondant à ce qu'un locataire est en droit d'exiger, s'agissant d'un appartement de quatre pièces au loyer annuel de 12'816 fr. sans les charges.
Il est vrai que le demandeur a cherché à remettre cet appartement, qu'il n'avait pas encore revu, après que dame Poisot n'en eut pas voulu en raison de son état de délabrement. Mais, ayant constaté que toutes les personnes intéressées renonçaient à l'appartement vu son mauvais état, et après avoir revu les locaux vides avec un employé de la régie, le demandeur en a demandé la réfection complète, en particulier dans sa lettre du 17 novembre 1976. Malgré cette exigence fondée, la bailleresse n'a pas fait procéder aux travaux nécessaires, ce qui ressort éloquemment du procès-verbal de l'inspection des lieux faite par le premier juge. Elle ne s'est à aucun moment déclarée d'accord de faire une réfection complète de l'appartement et s'en est tenue aux réparations prévues dans la commande passée à l'entreprise Schwab. Le demandeur l'ayant mise en demeure d'effectuer une remise en état de tout l'appartement par lettre du 17 novembre 1976, et l'ayant informée qu'il n'occuperait pas les locaux ni ne paierait le loyer tant que ces travaux nécessaires n'auraient pas été faits, il était en droit de résoudre le contrat avec effet à la date de son commencement, le 1er octobre 1976. Avec les seules réparations commandées à l'entreprise Schwab, le logement demeurait en effet dans un si mauvais état pour les autres pièces que l'usage s'en trouvait notablement amoindri, au sens de l'
art. 254 al. 2 CO
.
Le recours de la défenderesse est ainsi mal fondé et l'arrêt attaqué doit être confirmé.