BGE 107 IA 246 vom 30. September 1981

Datum: 30. September 1981

Artikelreferenzen:  Art. 1007 CO, Art. 4 Cst., Art. 80 LP, Art. 81 LP , art. 4 Cst., Art. 27 Abs. 3 BZP, art. 80 et 81 LP, art. 1007 CO

BGE referenzen:  121 I 54, 131 I 45 , 98 IA 464, 102 IA 6, 81 I 325

Quelle: bger.ch

Urteilskopf

107 Ia 246


49. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour de droit public du 30 septembre 1981 dans la cause C. et W. contre B. (recours de droit public)

Regeste

Schiedsgerichtsbarkeit.
Tragweite der Pflicht zur Begründung schiedsrichterlicher Entscheide (Art. 33 lit. e, 36 lit. h Konkordat über die Schiedsgerichtsbarkeit; E. 3).
Gültigkeit des Klagerückzugs bei fehlender Zustimmung des freiwilligen Streitgenossen ( Art. 27 Abs. 3 BZP ; 24 Abs. 2 Konkordat; E. 5a bb).
Substitution von Motiven durch das mit einer Nichtigkeitsbeschwerde befasste Gericht (E. 5b).

Sachverhalt ab Seite 246

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Le 25 octobre 1973, X. a vendu à C. 4500 actions d'une société anonyme qu'il dirigeait et dont le capital était divisé en 10000 actions. Le prix de vente était déterminé par le bilan de la société au 31 décembre 1972, certifié "sincère et véritable". Le vendeur garantissait que l'actif net avait augmenté depuis lors d'un certain montant, au risque de devoir indemniser l'acheteur par le paiement d'une fraction de la différence.
Les 5500 actions constituant le solde du capital de la société étaient détenues par M. S.A., dont le capital-actions appartenait
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à B., également titulaire d'une créance chirographaire contre cette société.
Le 25 octobre 1973, B. a cédé ce capital-actions et cette créance à un acheteur dont les droits et obligations ont été repris ensuite par l'établissement W., dont C. était le fondateur. Le prix de vente, arrêté à Fr. 13'430'656.93, était payable au moyen de 7 billets à ordre, que C. a signés en qualité de donneur d'aval. Ce prix avait été déterminé exclusivement en fonction de la valeur des 5500 actions figurant au bilan de M. S.A. X. a donné à l'acheteur des garanties analogues à celles qu'il avait fournies à C. quant à la valeur des actions. W. n'a payé que les deux premiers billets à ordre pour lesquels il s'était engagé.
Le 29 mai 1974, C. et W. ont saisi un tribunal arbitral d'une demande tendant notamment à la révision du prix de vente des actions en fonction de la valeur réelle de la société. Le défendeur a contesté la qualité pour agir de C. Il a conclu au rejet de la demande et, reconventionnellement, au paiement par les demandeurs, solidairement, des sommes lui restant dues en vertu du contrat du 25 octobre 1973 ainsi que d'un montant de 2 millions de francs suisses à titre de dommages-intérêts.
Par la suite, W. s'est désisté, en déclarant avoir acquis la certitude que le prix des actions litigieux correspondait à la valeur réelle de la société. B. a demandé au Tribunal arbitral de prendre acte de ce désistement, alors que C. s'y est opposé.
Par sentence du 17 avril 1978, le Tribunal arbitral a pris acte du désistement de W. et rejeté la demande de C. Il a admis la demande reconventionnelle et condamné les demandeurs à payer solidairement au défendeur la somme de Fr. 9'708'554.-- avec intérêt à 8% dès le 1er mai 1974, ainsi qu'un montant de 2 millions de francs à titre de dommages-intérêts.
Saisie d'un recours en nullité des demandeurs, la Cour de justice du canton de Genève, statuant le 30 janvier 1981, a annulé la sentence arbitrale dans la mesure où elle condamnait les demandeurs à payer au défendeur la somme de 2 millions de francs à titre de dommages-intérêts ainsi que la totalité des frais d'arbitrage. Elle s'est fondée sur les art. 33 lettre e et 36 lettre h du concordat intercantonal sur l'arbitrage du 27 mars 1969 (ci-après: le concordat). Elle a jugé que la motivation de cet élément de la sentence était insuffisante et que son annulation sur ce point imposait une répartition des dépens entre les parties. Elle a rejeté le recours en nullité pour le surplus.
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Agissant par la voie du recours de droit public, C. et W. demandent au Tribunal fédéral de casser ce jugement et de renvoyer la cause à l'autorité cantonale pour qu'elle annule dans sa totalité la sentence arbitrale du 17 avril 1978. Ils invoquent une violation de l' art. 4 Cst. et soutiennent que le jugement attaqué est contraire aux art. 33 lettre e et 36 lettres c, h et f du concordat.
Le Tribunal fédéral a rejeté le recours dans la mesure où il était recevable.

Erwägungen

Extrait des considérants:

3. Les recourants invoquent d'abord les art. 33 lettre e et 36 lettre h du concordat. L'art. 33 lettre e prescrit que la sentence arbitrale doit contenir les motifs de fait, de droit et, le cas échéant, d'équité, à moins que les parties n'y aient expressément renoncé. La violation de cette règle, impérative selon l'art. 1er al. 3 du concordat, peut faire l'objet d'un recours en nullité auprès de l'autorité judiciaire compétente en vertu de l'art. 36 lettre h qui ouvre en outre cette voie lorsque le dispositif de la sentence est inintelligible ou contradictoire.
a) L'obligation faite au juge ordinaire de motiver ses décisions découle du droit d'être entendu garanti par l' art. 4 Cst. Reconnue déjà dans un arrêt fort ancien, comme une règle essentielle "dont la violation frustre les citoyens en ouvrant la porte à l'arbitraire" (ATF 19 p. 470), cette obligation s'impose par la nécessité de sauvegarder les droits de recours du justiciable. Celui-ci est en effet hors d'état d'attaquer à bon escient une décision dont il ne connaît pas l'argumentation et dont le bien-fondé est alors soustrait tant au contrôle de l'intéressé qu'à celui de l'autorité de recours ( ATF 98 Ia 464 s. consid. 5a). Il suffit cependant, selon la jurisprudence, que le tribunal mentionne, au moins brièvement, les motifs qui l'ont guidé et sur lesquels il a fondé sa sentence ( ATF 102 Ia 6 consid. 2e).
Il n'y a pas de raison de donner à l'obligation de motiver qu'institue, pour les tribunaux arbitraux, l'art. 33 lettre e du concordat une portée plus étroite que celle qui découle de l' art. 4 Cst. , pour les tribunaux étatiques (cf. RÜEDE et HADENFELDT, Schweiz. Schiedsgerichtsrecht p. 296 à 299). Une telle distinction ne trouverait aucun appui dans le texte du concordat. Elle ne saurait se justifier par la considération que l'autorité judiciaire compétente pour connaître des recours en nullité n'examine le fond de la sentance que sous l'angle restreint de l'arbitraire; l'obligation des tribunaux étatiques de motiver
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leurs décisions, fondée sur l' art. 4 Cst. , n'est en effet pas différente selon que celles-ci peuvent être déférées à une autorité jouissant d'une libre cognition ou d'un pouvoir d'examen limité. De plus, les sentences arbitrales rendues en Suisse ne bénéficient du mode d'exécution institué par les art. 80 et 81 LP qu'à la condition notamment que le Tribunal arbitral ait offert aux parties les garanties de procédure qui leur sont accordées par le droit fédéral ( ATF 81 I 325 s., ATF 76 I 92 ). Enfin le principe de l'économie des moyens qui domine la procédure arbitrale ne contredit pas une application stricte de l'obligation de motiver la sentence, puisque les parties ont la faculté de renoncer expressément à la motivation.
b) Selon les recourants, l'autorité cantonale aurait failli à son devoir de contrôle en considérant comme conforme à l'art. 33 lettre e du concordat une sentence incompréhensible du fait de ses insuffisances linguistiques. La rédaction de la sentence n'est certes pas un modèle, et les nombreuses incorrections de style et fautes grammaticales qu'elle comporte en rendent l'abord malaisé. L'argumentation des arbitres n'en est pas pour autant inintelligible ou contradictoire, pour reprendre les termes dont l'art. 36 lettre h du concordat use à l'égard du seul dispositif de la sentence. Les critiques adressées à la Cour de justice à cet égard ne sont manifestement pas fondées.
c) Les motifs qui ont conduit le Tribunal arbitral à admettre la validité du désistement de W. et à rejeter les objections de C. sur ce point, de même que ceux qui l'ont amené à accueillir la demande reconventionnelle de B., ressortent sans équivoque du texte de la sentence, même s'ils sont évoqués brièvement. Quant à savoir si cette motivation était soutenable, la question ne relève pas des art. 33 lettre e et 36 lettre h du concordat.
Les motifs pour lesquels le Tribunal arbitral a débouté C. de toutes ses conclusions sont sans nul doute excessivement sommaires. La cour cantonale en a donné acte aux recourants et a même considéré qu'ils étaient manifestement erronés. Elle est toutefois arrivée à la conclusion que l'argumentation du Tribunal arbitral à l'appui de l'admission de la demande reconventionnelle ne pouvait que conduire au rejet de la demande principale, cette argumentation résistant elle-même au grief tiré de l'insuffisance de la motivation. Dans ces conditions, on ne saurait dire que l'autorité cantonale a méconnu les obligations qui lui étaient imposées par l'art. 33 lettre e du concordat.
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4. Les recourants invoquent une violation de l'art. 36 lettre c du concordat, qui ouvre la voie du recours en nullité lorsque le Tribunal arbitral a statué sur des points qui ne lui étaient pas soumis ou lorsqu'il a omis de se prononcer sur un des chefs de la demande, sous la réserve des sentences partielles prévues à l'art. 32. Alors que sa mission comportait 11 questions matérielles, le Tribunal arbitral se serait limité à examiner la première, soit celle de la qualité pour agir de C., et aurait délibérément éludé les deux questions suivantes qui se rapportaient aux bases sur lesquelles les parties au contrat avaient déterminé la valeur des actions litigieuses. Or ces deux questions étaient la clé de l'arbitrage, puisque de la réponse qui devait leur être donnée dépendait celle qui serait donnée à toutes les autres.
Ce grief est mal fondé. Contrairement à ce que paraissent admettre les recourants, l'art. 36 lettre c du concordat ne postule pas que le dispositif de la sentence apporte une réponse expresse à toutes les questions soumises à l'appréciation des arbitres. Une telle exigence relèverait d'un formalisme excessif, notamment lorsque la réponse à l'une des questions rend superflue une prise de position expresse sur les autres questions liées à la première, ce qui est le cas en l'espèce. Appelé à juger si les exceptions des recourants quant à la valeur réelle des actions qu'ils avaient acquises étaient fondées, le Tribunal arbitral a en effet retenu sur la base du dossier que le vendeur n'assumait envers eux aucune garantie de ce chef. Cette solution le dispensait d'examiner si le prix de vente des actions correspondait à une valeur que, à son avis, le vendeur n'avait pas garantie; elle était de nature, à elle seule, à entraîner, d'une part, le rejet des exceptions soulevées par le demandeur principal C. et de ses conclusions, d'autre part, l'admission de la demande reconventionnelle du défendeur.

5. a) Dans le cadre de l'art. 36 lettre f du concordat, les recourants reprennent d'abord l'argumentation qu'ils avaient développée devant la cour cantonale au sujet de la reconnaissance par le Tribunal arbitral de la validité du désistement de W. Tout en admettant que la lettre adressée par cet établissement le 29 mars 1976 au président du Tribunal arbitral pouvait être interprétée comme un désistement pur et simple de l'instance, ils affirment que ce désistement est nul et non avenu en raison, d'une part, d'une collusion frauduleuse évidente entre un ancien administrateur de W. et le défendeur, d'autre part, de l'absence du consentement de C.
aa) La prétendue collusion ressortirait de deux décisions
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rendues par le Tribunal de la Principauté du Liechtenstein les 7 mai 1976 et 21 février 1977 ainsi que de la revente à B., par W., du capital de M. S.A., un mois à peine après l'envoi de la lettre de désistement. Les circonstances qui ont entouré le désistement de W. sont à vrai dire troublantes. Cela n'a pas échappé au Tribunal liechtensteinois, qui a notamment prononcé la révocation de l'administrateur en cause après avoir constaté qu'il existait une haute vraisemblance de collusion entre W. et B., opposés pourtant dans la procédure arbitrale. Le Tribunal arbitral s'est lui-même référé dans son état de fait aux soupçons de C. et en particulier aux deux décisions judiciaires qu'il produisait. Il a toutefois admis, en conclusion, que ces allégations ne suffisaient pas à établir la réalité de la manoeuvre dénoncée. L'autorité cantonale a considéré que le Tribunal arbitral avait ainsi librement apprécié les indices résultant de la procédure, sans négliger les moyens de preuve mis en oeuvre par C., et que cette appréciation des preuves n'était pas insoutenable. Le recours de droit public ne fournit aucun argument précis, propre à démontrer que ce point de vue de l'autorité judiciaire cantonale serait lui-même insoutenable. Or il incombe aux recourants d'indiquer en quoi la décision attaquée est arbitraire, comme il leur appartenait d'établir devant la cour de justice que la sentence elle-même était arbitraire parce qu'elle reposait sur des constatations manifestement contraires aux faits résultant du dossier ou parce qu'elle constituait une violation évidente du droit. Saisie d'un recours fondé sur l'art. 36 lettre f du concordat, l'autorité cantonale doit en effet reconnaître aux tribunaux arbitraux une grande liberté dans le domaine de l'administration et de l'appréciation des preuves, et ne revoir leurs décisions à cet égard que si elles sont évidemment fausses ou arbitraires ou si elles reposent sur une inadvertance manifeste. Que la Cour de justice ait retenu à tort, comme le prétendent les recourants, qu'ils n'avaient pas critiqué dans leur recours en nullité l'insuffisance de la motivation sur cette question ne change rien au fait que le résultat auquel elle est parvenue n'est pas insoutenable, vu le pouvoir d'examen restreint dont elle disposait.
bb) L'autorité cantonale a admis que le Tribunal arbitral avait à juste titre reconnu la validité du désistement de W., indépendamment de l'absence de consentement de son codemandeur C. Elle s'est référée, selon l'art. 24 al. 2 du concordat, à l' art. 27 al. 3 PCF aux termes duquel seul le consentement du défendeur, et non celui d'un codemandeur, est requis pour le retrait d'une demande après sa notification. Elle a toutefois
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réservé le cas d'une demande formée par des consorts nécessaires. Ce point de vue résisterait même à un libre examen. En effet, aucune disposition concordataire ne subordonne le retrait d'une demande notifiée à des exigences formelles plus étendues que celles posées par l' art. 27 al. 3 PCF . Or cette disposition ne prévoit pas que le défaut de consentement du défendeur aurait pour conséquence de rendre sans effet le retrait d'une action; elle donne au contraire à ce retrait la portée d'un désistement revêtu de l'autorité de la chose jugée. Le consentement du demandeur et défendeur reconventionnel C. n'était dès lors pas nécessaire pour valider le désistement de W. Pour le surplus, les recourants ne discutent pas l'argument du jugement attaqué selon lequel les deux demandeurs principaux à la procédure arbitrale ne se trouvaient pas dans un cas de consorité nécessaire, où le désistement de l'un d'eux aurait exigé le consentement de l'autre.
b) Après avoir admis la validité du désistement de W., le Tribunal arbitral avait à se prononcer sur la demande principale de C. et la demande reconventionnelle de B. La première avait été formée conjointement avec celle de W. qui, en sa qualité d'acheteur, agissait en garantie contre le vendeur des actions. La seconde était une action en paiement ouverte par le vendeur tant contre l'acheteur W. qui, en se désistant, y avait acquiescé, que contre le donneur d'aval C. Le Tribunal arbitral a débouté ce dernier de toutes les conclusions de son action principale puisqu'il n'était que donneur d'aval. La Cour de justice a taxé ce raisonnement d'arbitraire parce que le donneur d'aval est légitimé à opposer au porteur, titulaire originaire de la créance garantie par l'effet de change, les exceptions dont pourrait se prévaloir le tireur en vertu notamment de l' art. 1007 CO . Cette opinion n'est pas en cause dans le recours de droit public.
Procédant à une substitution de motifs, la Cour de justice a justifié le rejet de la demande de C. au moyen de l'argument qui a conduit le Tribunal arbitral à admettre la demande reconventionnelle. La sentence considère à cet égard comme mal fondées les exceptions que C. entendait tirer du rapport de droit civil à l'origine de la création des effets de change, l'affirmation selon laquelle X. aurait agi en qualité de représentant de B. n'étant pas établie en fait. La Cour de justice constate que sur ce point les considérants de la sentence arbitrale ne sont pas critiqués par les recourants. Or il n'est pas arbitraire d'admettre que ceux-ci auraient dû contester cette argumentation du Tribunal arbitral,
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quand bien même elle était présentée à l'appui du rejet de la demande reconventionnelle seulement, vu l'interdépendance de l'action principale et des prétentions reconventionnelles. Les recourants ne démontrent d'ailleurs nullement, dans leur recours de droit public, que le Tribunal arbitral serait tombé dans l'arbitraire en considérant que le vendeur ne répondait pas de la garantie assumée par X. et en admettant par ce motif la demande reconventionnelle. Enfin, les recourants soutiennent à tort que la motivation substituée aurait été écartée par le Tribunal arbitral, puisque celui-ci l'a au contraire retenue pour l'admission de la demande reconventionnelle et que cette admission excluait celle de l'action de C., vu leur interdépendance.
Le grief tiré de l'art. 36 lettre f du concordat doit donc également être rejeté.

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