Federal court decision 111 II 284 from Sept. 17, 1985

Date: Sept. 17, 1985

Related articles:  Art. 18 CO, Art. 32 CO , Art. 718 Abs. 1 OR, art. 1er CO, art. 18 CO, art. 1er al. 1 CO, art. 32 ss CO

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Source: bger.ch

Urteilskopf

111 II 284


57. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour civile du 17 septembre 1985 dans la cause Negresco S.A. contre la Masse en faillite de Socsil S.A. (recours en réforme)

Regeste

Art. 718 Abs. 1 OR .
1. Der klare Wortlaut einer solidarischen Verbindlichkeit schliesst jede Auslegung im Sinne einer Bürgschaft aus (E. 2).
2. Aufgabe der Rechtsprechung zu Art. 718 Abs. 1 OR , die verlangte, dass die Handlung des Organs tatsächlich dem Gesellschaftszweck diene, und den guten Glauben des Vertragspartners unberücksichtigt liess (E. 3).

Sachverhalt ab Seite 285

BGE 111 II 284 S. 285

A.- Socsil S.A. - dont la faillite a été prononcée le 11 septembre 1980 - avait pour but la "fabrication, vente et exportation du protoxyde d'azote et autres gaz narcotiques, exportation d'appareils d'analgésie et de narcose ainsi que l'exportation et l'importation de marchandises de toutes sortes". Elle était engagée par la signature individuelle de feu Eli Pinkas, connu dans les milieux d'affaires vaudois. Celui-ci a commis de nombreuses escroqueries afin de se procurer les fonds dont il avait besoin pour ses dépenses personnelles. Il empruntait des sommes importantes, au nom de Socsil S.A. ou de sociétés panaméennes qu'il contrôlait, en offrant des intérêts substantiels, puis utilisait vraisemblablement ces fonds pour ses besoins propres. Il a mêlé formellement Socsil S.A. à ces opérations, en la faisant apparaître comme caution ou codébiteur solidaire des emprunts consentis par des tiers. Aucune trace n'a été trouvée, dans les comptes de Socsil S.A., d'un transfert effectif de fonds en faveur de cette dernière.
Dans ce contexte, Marcel Stern a investi des fonds jusqu'à concurrence de 3'050'000 francs dans les affaires de Pinkas, ce dernier lui assurant que ces fonds seraient placés auprès de Socsil S.A., soit directement, soit indirectement par l'intermédiaire d'autres sociétés.
Les fonds ainsi versés par Stern provenaient de prêts que lui avait faits Gérard Tersmeden. Cette créance de Tersmeden a été cédée à Negresco S.A., société panaméenne dont Tersmeden était le représentant et l'actionnaire. Quant à la dette de Stern, elle a été reprise par une autre société panaméenne, Transfina Corporation.
BGE 111 II 284 S. 286
Le 30 octobre 1977 a été signée la pièce suivante à en-tête de Transfina Corporation:
"RECONNAISSANCE DE DETTE
La société soussignée reconnaît devoir à
NEGRESCO S.A.
la somme de Frs. 3'050'000.-- (Trois millions cinquante mille frs).
Cette somme portera un intérêt au taux de 9% l'an, dès le 30 octobre
1977, payable trimestriellement, mais pour la première fois le 30 janvier
1978.
Le présent prêt est remboursable les 30 janvier, 30 avril, 30
juillet, et 30 octobre de chaque année, moyennant un préavis donné par
écrit 180 jours avant la date de remboursement à TRANSFINA CORPORATION,
c/o Me Louis MUDRY 4, rue Charles-Bonnet, 1206 Genève.
Les personnes soussignées se reconnaissent débitrices solidaires du
montant susmentionné, ainsi que des intérêts.
Les débiteurs solidaires: Marcel Stern (sig. Stern)
TRANSFINA CORPORATION (sig. Stern)
SOCSIL S.A. (sig. Pinkas)
Eli Pinkas (sig. Pinkas)
Genève, le 30 octobre 1977."
Il n'est pas établi que Socsil S.A. ait bénéficié d'une manière ou d'une autre des capitaux avancés par Tersmeden à Stern, et faisant l'objet de la reconnaissance de dette précitée. Quant à Negresco S.A., au vu des explications que lui avait fournies feu Pinkas, elle considérait que les fonds avancés profitaient à Socsil S.A.

B.- Le 12 janvier 1981, Negresco S.A. a produit dans la faillite de Socsil S.A. à concurrence de 3'118'625 francs. Cette production ayant été entièrement écartée, Negresco S.A. a ouvert action en contestation de l'état de collocation en concluant à l'admission de la créance précitée en cinquième classe.
Par jugement du 20 décembre 1984, la Cour civile du Tribunal cantonal vaudois a rejeté les conclusions de la demanderesse Negresco S.A. et admis les conclusions libératoires de la masse en faillite de Socsil S.A.

C.- La demanderesse interjette un recours en réforme au Tribunal fédéral. Elle conclut à la réforme du jugement cantonal, en ce sens que l'état de collocation de la faillite Socsil S.A. est modifié, la créance de Negresco S.A. étant admise en 5e classe à concurrence de 3'118'625 francs, subsidiairement à concurrence de 3'050'000 francs.
La masse défenderesse conclut au rejet du recours.
BGE 111 II 284 S. 287

Erwägungen

Considérant en droit:

2. C'est de manière erronée que la cour cantonale se réfère aux règles d'interprétation dégagées par la jurisprudence pour déterminer si l'engagement pris par Socsil S.A. dans l'acte du 30 octobre 1977 est un cautionnement ou un engagement principal solidaire ou cumulatif, règles qui font appel au but du contrat et à l'intérêt propre de celui qui s'engage et qui posent une présomption en faveur du cautionnement (cf. ATF 101 II 325 ss et les références). On ne peut en effet recourir à ces règles d'interprétation que si les termes de l'accord passé entre parties laissent planer un doute ou sont peu clairs (cf. ATF 83 II 307 , ATF 81 II 525 ; cf. également SCYBOZ, Le contrat de garantie et le cautionnement, Traité de droit privé suisse VII/2, p. 31; VON TUHR/ESCHER, p. 302; BECK, Das neue Bürgschaftsrecht, p. 15 n. 26; REICHEL, Die Schuldmitübernahme, p. 224, 308 s.). Selon le principe de la confiance, est déterminant le sens que, selon les règles de la bonne foi, chacune des parties pouvait raisonnablement prêter aux déclarations de volonté de l'autre ( ATF 105 II 18 consid. 3a et les arrêts cités, ATF 92 II 348 ). Si, en appliquant ce principe, le juge peut donner un sens clair et conférer un effet juridique aux déclarations de volonté, une interprétation plus approfondie est superflue (SCHÖNENBERGER/JÄGGI, n. 246 ad art. 1er CO ; JÄGGI/GAUCH, n. 386 ad art. 18 CO ). Lorsque le texte d'un contrat est clair, il n'y a pas lieu d'en dénaturer le sens par la recherche d'une interprétation fondée sur des éléments extrinsèques, sauf circonstances particulières qui n'existent pas en l'espèce ( ATF 99 II 285 ).
Le texte de la reconnaissance de dette litigieuse est tout à fait clair et le sens de l'engagement pris par ceux qui ont signé sous la rubrique "débiteurs solidaires" est dépourvu de toute équivoque. Il s'agit d'un engagement solidaire, lié à une dette assumée par Transfina Corporation, et comportant une reconnaissance expresse de la dette d'un montant bien déterminé. Tel est aussi le sens que pouvait raisonnablement prêter la créancière Negresco S.A. à l'engagement pris par Socsil S.A. notamment.
Les constatations de fait du jugement ne permettent au demeurant pas de retenir l'existence d'un accord de volontés réciproques différent de celui qui ressort de l'acte lui-même. L'engagement solidaire pris par Socsil S.A. ne pouvait en tout cas pas paraître anormal à la créancière, puisque d'une part il était pris
BGE 111 II 284 S. 288
concurremment et au même titre que l'engagement de Stern, bénéficiaire direct du montant en cause, et que d'autre part, aux yeux de la créancière, le montant prêté était investi chez Socsil S.A. Dans ces conditions, il importe peu qu'en réalité Socsil S.A. n'ait en rien bénéficié du montant en cause et qu'elle n'ait eu aucun intérêt propre et direct à l'exécution de l'obligation reprise par Transfina Corporation. La concordance des volontés exprimées ( ATF 101 II 331 consid. 2), telle qu'elle résulte de l'acte signé par les parties, suffit en effet à la perfection de l'accord ( art. 1er al. 1 CO ).
On doit donc considérer, contrairement à la cour cantonale, que l'engagement pris par Socsil S.A. est une reprise cumulative de dette, soit un engagement solidaire, et non pas un cautionnement.

3. a) La cour cantonale a jugé que l'acte signé par Pinkas au nom de Socsil S.A., qu'elle a qualifié à tort de cautionnement, était nul pour vice de forme. Par surabondance de droit, elle a considéré que, supposé formellement valable, l'acte en question était de toute façon nul au regard de l' art. 718 al. 1 CO . Selon elle, Socsil S.A. n'était pas valablement engagée, car l'opération, qui a servi à obtenir des capitaux dans le seul intérêt de Pinkas, sortait du cadre des actes que peut impliquer le but social. Elle a également retenu à cet égard que la bonne ou la mauvaise foi de la créancière ne jouait aucun rôle.
b) Pour nier la conformité de l'engagement litigieux avec le but social de Socsil S.A., la cour cantonale se fonde essentiellement sur le fait que Pinkas, en engageant la société, a agi uniquement à des fins personnelles. Les premiers juges ont donc examiné si, concrètement, l'opération litigieuse était un acte que pouvait impliquer le but social. Ce faisant, ils ont appliqué pleinement la jurisprudence de l'arrêt, auquel ils se réfèrent expressément, publié in ATF 95 II 442 ss, spécialement consid. 3 et 7. Or cette jurisprudence a non seulement été critiquée de façon unanime par la doctrine, mais elle n'a déjà plus été appliquée dans l'arrêt publié une année plus tard in ATF 96 II 440 ss. La question mérite donc un réexamen.
Aux termes de l' art. 718 al. 1 CO , les personnes autorisées à représenter la société ont le droit de faire au nom de celle-ci tous les actes que peut impliquer le but social. Selon la jurisprudence, approuvée par la doctrine, le but social embrasse l'ensemble des actes juridiques qui, du point de vue objectif, peuvent, ne fût-ce que de façon indirecte, contribuer à atteindre le but social,
BGE 111 II 284 S. 289
c'est-à-dire tous ceux que ce but n'exclut pas nettement; il n'est pas nécessaire qu'ils rentrent dans l'activité habituelle de l'entreprise ( ATF 96 II 445 , ATF 95 II 450 consid. 3 et les arrêts cités). Pour la doctrine, cependant, les actes en question doivent être appréciés selon un critère objectif, d'une manière générale et abstraite (PATRY, Précis de droit suisse des sociétés, vol. II, p. 248). C'est ainsi que l'acte juridique est apprécié en fonction de sa nature, de son type, et non pas en fonction de la relation concrète qu'il peut avoir, dans la réalité d'une opération donnée, avec le but de la société (cf. BUCHER, in Festgabe Bürgi, p. 53 et 57). En d'autres termes, il n'est pas essentiel que, dans un cas précis, l'affaire ait réellement servi le but social, mais il suffit que l'acte passé soit éventuellement justifié par ce but, qu'il n'y soit donc pas complètement étranger (F. DE STEIGER, Le droit des sociétés anonymes en Suisse, traduction Lausanne 1973, p. 263). Cette conception est seule compatible avec la nature des actes et des pouvoirs des organes des personnes morales. Il importe donc peu de savoir si l'acte accompli par l'organe était concrètement, réellement, un acte que pouvait impliquer le but social. Par ailleurs, les organes des personnes morales ne sont pas des représentants, au sens technique des art. 32 ss CO , mais ils forment directement la volonté même de la personne morale qu'ils engagent par leurs actes juridiques, voire par leurs actes illicites (cf. ATF 98 II 219 , 68 II 98); la bonne foi du cocontractant qui traite avec un tel organe n'est dès lors pas sans portée.
Ainsi ne saurait-on confirmer la jurisprudence de l'arrêt ATF 95 II 442 ss, dans la mesure où, au considérant 3 (p. 450), elle exige que l'acte de l'organe soit concrètement un acte que pouvait impliquer le but social, c'est-à-dire qu'il s'agisse d'un acte qui serve concrètement le but social, et ou, au considérant 7 (p. 455), elle fait abstraction de la bonne foi du cocontractant. L'abandon de cette jurisprudence correspond à ce que demande la doctrine unanime et tient compte des critiques pertinentes qui ont été émises à son endroit (BUCHER, in Festgabe Bürgi, p. 50 ss, et Allg. Teil, p. 573/574; MERZ, in Festschrift Harry Westermann, p. 401; KUMMER, in RJB 107 (1971), p. 214 ss et 108 (1972), p. 128/129; F. DE STEIGER, op.cit., p. 263, n. 259; W. VON STEIGER, FJS 803, trad. française, p. 23 et n. 69; et in Schweiz. Privatrecht VIII/1, Die Kollektivgesellschaft, p. 517; VON GREYERZ, in Schweiz. Privatrecht VIII/2, Die Aktiengesellschaft, p. 210; WOHLMANN, in Schweiz. Privatrecht VIII/2, Die GmbH, p. 422; SCHÄRER, Die
BGE 111 II 284 S. 290
Vertretung der Aktiengesellschaft durch ihre Organe, thèse Fribourg 1981, p. 72 ss; ROTH, in RDS 104 (1985), I, p. 290). Le Tribunal fédéral a du reste lui-même clairement relevé, dans l'arrêt ATF 96 II 444 /5 consid. 3b, que l' art. 718 al. 1 CO vise à protéger les tiers de bonne foi et non à régir les rapports internes entre la société et ses représentants; il a ainsi nettement admis la conformité avec le but social d'actes qui, abstraitement et objectivement, réalisaient cette conformité, alors même que, concrètement, ils n'avaient profité qu'à l'organe personnellement et non à la société qu'il représentait. On peut aussi noter que la référence faite par le Tribunal fédéral, dans l'arrêt publié in ATF 105 II 296 consid. 7, à certaines des critiques citées plus haut, indiquait qu'il en ferait probablement cas tôt ou tard.
c) En tenant compte de ce qui précède, un engagement solidaire, une reprise cumulative de dette, voire un cautionnement, n'apparaissent point, objectivement et abstraitement, comme des actes nettement exclus par le but social d'une société industrielle et commerciale telle que Socsil S.A. En effet, pour réaliser ses buts de fabrication et d'import-export, une telle société pouvait parfaitement chercher à obtenir des prestations, des financements, des prêts ou des avances impliquant des reconnaissances de dettes et des garanties, soit des engagements du genre de ceux qu'elle a souscrits. Il s'agit d'actes qui manifestement, de façon indirecte, peuvent contribuer à atteindre le but social. Ces éléments suffisent pour que le tiers de bonne foi qui a traité avec la société soit protégé, et cela sans qu'importe la circonstance que, concrètement, l'acte litigieux souscrit n'ait bénéficié qu'à Pinkas et n'ait servi en réalité en rien le but social de Socsil S.A. Au demeurant, la mauvaise foi de la demanderesse n'a pas été démontrée; au contraire, de sérieux indices font apparaître que cette dernière était de bonne foi en croyant procéder, comme elle l'a fait, à des investissements en faveur de Socsil S.A.
Dans ces conditions, il ne saurait être question d'admettre, ainsi que le retient le jugement attaqué, la nullité de l'engagement litigieux sur la base de l' art. 718 al. 1 CO .

4. Il s'ensuit que le présent recours doit être admis en ce sens que la créance de Negresco S.A., découlant de l'acte du 30 octobre 1977, devra être admise en cinquième classe à l'état de collocation de la faillite de Socsil S.A. (...)

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