BGE 119 IA 241 vom 12. Juli 1993

Datum: 12. Juli 1993

Artikelreferenzen:  Art. 13 LET, Art. 21 LET, Art. 163 CC, Art. 7 LIA, Art. 4 Cst., Art. 113 Cst., Art. 47 LPP, Art. 80 LPP, Art. 84 LPP , Art. 7 BVV 3, art. 21 let, Art. 82 Abs. 1 BVG, art. 82 al. 2 LPP, Art. 82 BVG, art. 113 al. 3 Cst., art. 4 al. 1 et 2 Cst., art. 80 LPP, art. 34quater al. 6 Cst., art. 4 al. 1 Cst., art. 4 al. 2 Cst., art. 3 OPP 3, art. 113 al. 1 ch. 3 Cst., art. 34quater Cst., art. 1er OPP 3, art. 47 LPP, art. 163 ss CC, art. 1er al. 3 OPP 3, art. 1er al. 4 OPP 3, art. 7 al. 1 OPP 3, art. 84 LPP, art. 7 al. 1 LIA, art. 13 al. 1 let

BGE referenzen:  98 IA 574, 121 I 97, 121 III 285, 121 III 408, 122 II 72, 122 III 469, 123 III 1, 123 III 280, 124 III 266, 124 II 241, 124 II 193, 124 II 383, 124 II 372, 124 III 321, 130 I 26, 130 II 65, 130 II 509 , 118 IB 372, 110 IA 15, 113 V 124, 98 IA 574, 116 IA 270, 117 IA 331, 105 IB 53, 116 IA 270, 117 IA 331, 105 IB 53

Quelle: bger.ch

Urteilskopf

119 Ia 241


28. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour de droit public du 12 juillet 1993 en la cause A. S. contre Administration fiscale cantonale et Tribunal administratif du canton de Genève (recours de droit public)

Regeste

Art. 82 BVG ; Art. 7 BVV 3 ; Art. 21 lit. h Ziff. 3 des Genfer Steuergesetzes vom 9. November 1987 (loi sur les contributions publiques, LCP). Steuerliche Behandlung von Beiträgen, welche eine nichterwerbstätige Person zum Zwecke der gebundenen individuellen beruflichen Vorsorge der Säule 3 A an eine Vorsorgeeinrichtung leistet.
1. Gemäss Art. 21 lit. h Ziff. 3 LCP, welcher die Regelung von Art. 82 Abs. 1 BVG übernimmt, können nur Arbeitnehmer und Selbständigerwerbende Beiträge von ihrem Einkommen abziehen, welche für der individuellen beruflichen Vorsorge dienende anerkannte Vorsorgeformen bestimmt sind (E. 4).
2. Prüfungsbefugnis des Bundesgerichts bei der Prüfung einer bundesrätlichen Verordnung und eines kantonalen Erlasses, welche beide aufgrund einer Delegation des Gesetzgebers geschaffen worden sind. Der Inhalt der Verordnung und der kantonalen Norm kann nur insofern auf seine Verfassungsmässigkeit hin überprüft werden, als er sich nicht auf die Delegationsnorm stützen lässt (E. 5 und 6).
3. Auslegung des Begriffs "salarié"/"Arbeitnehmer"; die Beschwerdeführerin, welche Hausfrau ist, gilt nicht als Arbeitnehmerin und kommt daher nicht in den Genuss des hier in Frage stehenden Steuerprivilegs (E. 7).
4. Was geschieht mit gebundenen Vorsorgevereinbarungen, welche von nicht als Begünstigte solcher Vereinbarungen zugelassenen Personen abgeschlossen worden sind (E. 8)?

Sachverhalt ab Seite 242

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Domiciliée à V., A. S. est séparée de fait de son mari depuis 1979. Sans activité professionnelle, elle subvient à son entretien grâce à une contribution de son mari pour l'essentiel et à quelques revenus de fortune.
Dans sa déclaration pour l'impôt cantonal 1988, elle a porté en déduction de son revenu un montant de 20'736 francs versé sur un compte "Epargne 3" à la Caisse d'épargne de Genève à titre de prévoyance individuelle liée.
Par décision du 24 janvier 1989, l'Administration fiscale cantonale du canton de Genève a notamment refusé la déduction du montant de 20'736 francs pour le motif que l'intéressée ne remplissait pas les conditions permettant de se constituer un 3e pilier A, et elle
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l'a invitée à demander le remboursement des montants déjà versés à l'institution de prévoyance concernée dans les plus brefs délais.
Après le rejet de sa réclamation, A. S. a recouru devant la Commission cantonale de recours en matière d'impôts du canton de Genève qui, par décision du 18 avril 1991, a rejeté le recours d'A. S., pour le motif que la législation genevoise était conforme aux règles du droit fédéral en matière de prévoyance individuelle liée et que, l'activité ménagère d'A. S. n'étant pas assimilable à une activité lucrative, l'intéressée ne remplissait pas les conditions posées pour la déduction des cotisations versées pour un 3e pilier A.
Par acte du 5 juin 1991, A. S. a porté sa cause devant le Tribunal administratif du canton de Genève, demandant à titre principal que celui-ci constate que les décisions des autorités inférieures n'étaient pas conformes au droit constitutionnel genevois et fédéral, qu'il annule ces décisions, qu'il considère la contribution versée par son mari comme un revenu d'activité lucrative pour l'application de la loi fiscale genevoise et, enfin, qu'il dise que l'administration fiscale cantonale n'était pas compétente pour exiger la suppression d'un compte de prévoyance individuelle liée et le remboursement des cotisations; à titre subsidiaire, elle concluait à ce que la réglementation fiscale genevoise sur le 3e pilier A soit déclarée contraire aux constitutions fédérale et genevoise.
Par arrêt du 6 novembre 1991, le Tribunal administratif du canton de Genève a rejeté le recours d'A. S. Il relevait que le droit genevois, suivant le droit fédéral, faisait de l'exercice d'une activité lucrative productrice de revenus une condition essentielle de la constitution d'un 3e pilier A, condition que la recourante ne remplissait pas; au surplus, le droit genevois, comme le droit fédéral dont il reprenait les termes, échappait au contrôle préjudiciel de sa constitutionnalité en vertu de l'effet indirect de l' art. 113 al. 3 Cst. ; d'ailleurs, il ne violait pas le principe d'égalité entre hommes et femmes.
Par acte du 13 janvier 1992, intitulé "recours de droit public", A. S. demande au Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt du 6 novembre 1991 rendu par le Tribunal administratif du canton de Genève qu'elle taxe d'arbitraire dans la mesure où celui-ci refuse de lui accorder les déductions fiscales prévues pour les cotisations du 3e pilier A; subsidiairement, elle demande qu'il déclare que le droit fiscal genevois en la matière viole l' art. 4 al. 1 et 2 Cst. , et plus subsidiairement encore, qu'il constate que l'ordonnance du Conseil fédéral du 13 novembre 1985 sur les déductions admises fiscalement pour les cotisations versées à des formes reconnues de prévoyance (OPP 3; RS
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831.461.3) n'a pas de base constitutionnelle suffisante et qu'il l'annule ou qu'il dise que l'art. 82 de la loi fédérale du 25 juin 1982 sur la prévoyance professionnelle vieillesse, survivants et invalidité (LPP; RS 831.40) contrevient au principe de l'égalité des droits inscrit dans la Constitution.
Le Tribunal fédéral a rejeté le recours dans la mesure où il était recevable.

Erwägungen

Considérant en droit:

4. a) Aux termes de l' art. 21 let . h ch. 3 de la loi générale du 9 novembre 1887 sur les contributions publiques du canton de Genève (LCP), "De l'ensemble des revenus bruts effectivement réalisés par les contribuables ou fixés par évaluation, le département des finances et des contributions... déduit... Les versements effectués par le contribuable en vue d'acquérir des droits contractuels dans une institution reconnue de prévoyance individuelle liée au sens et dans les limites du droit fédéral."
La loi fédérale du 25 juin 1982 sur la prévoyance professionnelle vieillesse, survivants et invalidité (LPP; RS 831.40) prévoit à son art. 82, sous une note marginale intitulée "Traitement équivalent d'autres formes de prévoyance":
"Les salariés et les indépendants peuvent également déduire les
cotisations affectées exclusivement et irrévocablement à d'autres formes
reconnues de prévoyance assimilées à la prévoyance professionnelle.
Le Conseil fédéral détermine, avec la collaboration des cantons, quelles
formes de prévoyance peuvent être prises en considération et décide dans
quelle mesure de telles déductions seront admises pour les cotisations."
Fondé sur le mandat que lui conférait l'alinéa 2 de la disposition précitée, le Conseil fédéral, en collaboration avec les cantons, a adopté l'ordonnance du 13 novembre 1985 sur les déductions admises fiscalement pour les cotisations versées à des formes reconnues de prévoyance (OPP 3). L'ordonnance institue deux formes reconnues de prévoyance: le contrat de prévoyance liée conclu avec les établissements d'assurances et la convention de prévoyance liée conclue avec des fondations bancaires (art. 1 al. 1 à 3 OPP 3). Ces deux formes de prévoyance individuelle liée constituent, dans le système des trois piliers de la prévoyance, le 3e pilier A (Archives 54 p. 517). A son art. 7, l'ordonnance prévoit la mesure dans laquelle les cotisations versées pour l'une de ces formes de prévoyance peuvent être déduites:
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"Les salariés et les indépendants peuvent déduire de leur revenu, en
matière d'impôts directs de la Confédération, des cantons et des communes,
leurs cotisations versées à des formes reconnues de prévoyance dans la
mesure suivante:
a. Par année, jusqu'à 8 pour cent du montant-limite supérieur fixé à
l'art. 8, 1er alinéa, LPP, s'ils sont affiliés à une institution de
prévoyance au sens de l' art. 80 LPP ;
b. Par année, jusqu'à 20 pour cent du revenu provenant d'une activité
lucrative, mais au maximum jusqu'à 40 pour cent du montant-limite supérieur
fixé à l'art. 8, 1er alinéa, LPP, s'ils ne sont pas affiliés à une
institution de prévoyance au sens de l' art. 80 LPP .
Lorsque les deux époux exercent une activité lucrative et versent des
cotisations à une forme reconnue de prévoyance, ils peuvent prétendre à
ces déductions pour chacun d'eux."
b) La recourante soutient que cette réglementation serait contraire aux art. 4 al. 1 et 2 Cst. et 2A Cst. genevoise, en tant qu'elle limite aux seuls salariés et indépendants la déduction des cotisations versées pour une forme de prévoyance individuelle liée. En excluant de ces avantages fiscaux les femmes au foyer, elle créerait une inégalité de traitement inadmissible au détriment de ces dernières, ainsi qu'entre hommes et femmes, celles-ci exerçant plus rarement une activité lucrative que leur mari. Elle violerait également le mandat que confère au législateur l' art. 34quater al. 6 Cst. La recourante propose de corriger ces inconstitutionnalités en assimilant, par interprétation, la contribution que lui verse son mari au produit d'une activité lucrative, à défaut de déclarer inconstitutionnels l' art. 21 let . h ch. 3 LCP, ainsi que, le cas échéant, l'OPP 3 pour le motif que leurs bases légales et constitutionnelles seraient insuffisantes.

5. a) Selon les art. 113 al. 3 et 114bis al. 3 Cst., le Tribunal fédéral doit appliquer les lois votées par l'Assemblée fédérale, les arrêtés de cette assemblée qui ont une portée générale et les traités qu'elle aura ratifiés, sans en contrôler la constitutionnalité. En revanche, il peut en principe examiner la validité d'une ordonnance du Conseil fédéral du point de vue de sa légalité et de sa constitutionnalité. S'agissant d'ordonnances dépendantes qui se fondent sur une délégation législative, le Tribunal fédéral examine si celles-ci restent dans les limites des compétences attribuées par la loi au Conseil fédéral. En outre, pour autant que la loi n'autorise pas expressément le gouvernement fédéral à déroger à la Constitution ou à édicter une réglementation déterminée, il est également habilité à revoir la constitutionnalité des règles contenues dans l'ordonnance ( ATF 118 Ib 372 consid. 4 et les arrêts cités).
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b) Le Tribunal fédéral vérifie également la constitutionnalité des lois cantonales ( art. 113 al. 1 ch. 3 Cst. ). A cet égard, il est sans importance que le législateur cantonal ait choisi une solution analogue à celle retenue par le droit fédéral. S'agissant d'un domaine du droit cantonal juridiquement indépendant, le Tribunal fédéral n'est nullement lié par la réglementation choisie par le législateur fédéral lors de l'examen de la norme cantonale ( ATF 110 Ia 15 ; ANDREAS AUER, La juridiction constitutionnelle en Suisse, p. 78). Tel n'est pas le cas, en revanche, lorsque le contenu d'un acte normatif cantonal est couvert par une loi fédérale ou un arrêté fédéral de portée générale, en particulier parce que le législateur fédéral a délégué au canton la compétence de légiférer en leur indiquant la façon dont ils doivent procéder. La disposition étant contenue dans une loi fédérale, le Tribunal fédéral est lié par elle et ne peut pas en examiner la constitutionnalité ( ATF 113 V 124 ; WALTER HALLER, Commentaire de la Constitution fédérale de la Confédération suisse, n. 202 ad art. 113; AUER, op.cit., p. 75 ss).
c) En l'espèce, il s'agit d'examiner tout d'abord si l' art. 21 let . h ch. 3 LCP, qui renvoie au droit fédéral, constitue du droit cantonal indépendant - y compris les dispositions de droit fédéral auxquelles il se réfère ( ATF 98 Ia 574 ) - dont le Tribunal fédéral peut revoir la constitutionnalité ou si, fondé sur l' art. 82 LPP et l' art. 7 OPP 3 , il n'est contrôlable que pour autant que le droit fédéral le soit.

6. a) L' art. 34quater Cst. dispose que la Confédération, en collaboration avec les cantons, encourage la prévoyance individuelle, notamment par des mesures fiscales. Il ressort des travaux préparatoires que le constituant entendait accorder à la Confédération une compétence nouvelle qui toucherait la souveraineté fiscale des cantons, celle-ci s'exerçant désormais par leur collaboration dans le choix et l'application des mesures d'encouragement (Message du Conseil fédéral à l'appui d'un projet portant revision de la Constitution dans le domaine de la prévoyance vieillesse, survivants et invalidité et rapport sur l'initiative populaire pour une véritable retraite populaire du 10 novembre 1971, FF 1971 II 1638; BO 1972 CE 292). Le législateur fédéral a réalisé le mandat constitutionnel en invitant le Conseil fédéral à associer les cantons à la détermination des autres formes de prévoyance qui seraient assimilées à la prévoyance professionnelle et des déductions qui seraient admises pour les cotisations ( art. 82 al. 2 LPP ; Archives 53 p. 492 ss). Au terme de cette procédure, le Conseil fédéral a édicté l' art. 7 OPP 3 qui définit précisément les déductions admises pour le 3e pilier A, dont les formes reconnues sont définies à l' art. 1er OPP 3 , et qui s'imposent tant pour
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les impôts directs des cantons et des communes que pour ceux de la Confédération.
b) Comme le Tribunal fédéral l'a déjà relevé ( ATF 116 Ia 270 et les références), les dispositions fiscales de la LPP, auxquelles il faut ajouter celles de l'OPP 3 prises en vertu de la délégation de l' art. 82 al. 2 LPP , ne réservent aucun champ aux cantons dans lequel ils pourraient aménager leur loi fiscale cantonale; en ce sens, ce ne sont pas des dispositions-cadre. Au contraire, elles contiennent des principes obligatoires et visent dans cette mesure à une uniformisation du droit des impôts directs des cantons et des communes. C'est donc à tort que la recourante considère que le droit genevois devrait prévoir des déductions plus généreuses que celle de l' art. 7 OPP 3 pour la prévoyance individuelle liée. S'agissant de cette forme de prévoyance, le législateur cantonal est lié par la réglementation fédérale. A cet égard, l'opinion de PIERRE-YVES GREBER (Le principe de la légalité considéré en droit suisse de la sécurité sociale, in Le droit des assurances sociales en mutation, Mélanges pour le 75e anniversaire du TFA, Berne 1992, p. 278), qui méconnaît le caractère d'harmonisation des dispositions fiscales de la LPP, ne peut être suivie. En revanche, le législateur demeure libre d'encourager d'autres formes de prévoyance individuelle, relevant en particulier du 3e pilier B. C'est d'ailleurs ce qu'a fait le législateur genevois en prévoyant une déduction doublée des primes d'assurances sur la vie et des intérêts de capitaux d'épargne lorsque ni le contribuable ni son conjoint ne sont affiliés à une institution de prévoyance ( art. 21 let . h ch. 5 LCP).
Dès lors, dans la mesure où l' art. 21 let . h ch. 3 LCP se réfère au droit fédéral, le Tribunal fédéral ne peut en vérifier la constitutionnalité que dans la mesure où il peut contrôler celle du droit fédéral qui le fonde.
c) Reposant sur l' art. 82 al. 2 LPP , l'OPP 3 est une ordonnance dépendante dont le Tribunal fédéral est autorisé à vérifier que le réglementation demeure dans les limites de compétences accordées par la loi au Conseil fédéral.
En l'espèce, il ne fait pas de doute que l' art. 7 OPP 3 satisfait à cette condition: réservant aux salariés et aux indépendants la déduction des cotisations versées pour une forme reconnue de prévoyance, il reprend textuellement les termes de l' art. 82 al. 1 LPP . La réglementation prévue est donc couverte par la loi fédérale, dont le Tribunal fédéral ne peut vérifier la constitutionnalité.
En conséquence, il reste uniquement à examiner si le texte des art. 7 OPP 3 et 82 al. 1 LPP peut faire l'objet d'une interprétation dans le sens indiqué par la recourante.
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7. a) La loi s'interprète en premier lieu selon sa lettre. Toutefois, si le texte n'est pas absolument clair, si plusieurs interprétations de celui-ci sont possibles, il y a lieu de rechercher quelle est la véritable portée de la norme en la dégageant de tous les éléments à considérer, soit notamment du but de la règle, de son esprit, ainsi que des valeurs sur lesquelles elle repose. Le sens qu'elle prend dans son contexte est également important ( ATF 117 Ia 331 consid. 3a et les arrêts cités).
En outre, si plusieurs interprétations sont admissibles, il faut choisir celle qui est conforme à la Constitution: en effet, si le Tribunal fédéral ne peut examiner la constitutionnalité des lois fédérales ( art. 113 al. 3 Cst. ), on présume que le législateur ne propose pas de solutions contraires à la Constitution, à moins que le contraire ne résulte clairement de la lettre ou de l'esprit de la loi ( ATF 105 Ib 53 ; AUER, op.cit., p. 85/86; HALLER, op.cit., n. 212 ad art. 113).
b) Dans le cas particulier, on peut sérieusement douter que les art. 7 OPP 3 et 82 al. 1 LPP donnent matière à interprétation. En effet, si les termes de "personnes exerçant une activité lucrative indépendante" ont été remplacés au cours des travaux parlementaires par la formule lapidaire d'"indépendants", la notion de salariés n'a donné lieu à aucune discussion, son sens étant évident (cf. Message du Conseil fédéral à l'appui d'un projet de loi sur la prévoyance professionnelle vieillesse, survivants et invalidité, du 19 décembre 1975, FF 1976 I 164/165, 281 ad art. 78 al. 1; BO 1980 CE 323).
En outre, contrairement à ce que prétend la recourante, le fait de limiter les personnes autorisées à se constituer un 3e pilier A aux seuls salariés n'est pas contraire au but de prévoyance visé par l' art. 34quater al. 6 Cst. Il ressort clairement du Message du Conseil fédéral à l'appui d'un projet portant revision de la Constitution dans le domaine de la prévoyance vieillesse, survivants et invalidité (FF 1971 II 1609 ss, 1637 et 1638) que le constituant visait les indépendants et les salariés dont la prévoyance professionnelle est inexistante ou insuffisante et qu'il entendait exclure la création de privilèges fiscaux en faveur des hauts revenus, ainsi que l'institution de mesures générales d'encouragement de l'épargne. A cet égard, le 3e pilier ne devait pas revêtir la même importance que le premier et il ne devait toucher qu'un nombre limité de personnes (BO 1972 CN 262, 302; JEAN-BLAISE PASCHOUD, Le traitement fiscal du 3e pilier, in Prévoyance professionnelle et fiscalité, CEDIDAC, Lausanne 1987, p. 89). Même si le législateur a admis, dans certains cas exceptionnels, d'étendre l'application de la LPP à des personnes sans activité lucrative ( art. 47 LPP , BO 1980 CE 264), rien ne permet d'admettre
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qu'une femme au foyer puisse être assimilée à une salariée. Quelle que soit la valeur économique de son travail ménager, elle n'est pas liée par un contrat de travail à son mari. Dans le cas de la recourante, la contribution qu'elle touche de celui-ci est fondée sur le droit matrimonial ( art. 163 ss CC ); elle ne représente pas un salaire.
c) Dans une argumentation de nature essentiellement appellatoire, la recourante prétend que la réglementation des art. 7 OPP 3 et 82 al. 1 LPP serait source d'inégalités de traitement contraires à l' art. 4 al. 1 Cst. , que seule l'interprétation qu'elle suggère corrigerait. Toutefois, elle n'indique pas en quoi serait arbitraire le fait de traiter différemment, du point de vue de la prévoyance individuelle liée, les personnes qui exercent une activité lucrative de celles qui n'ont pas de produit du travail, qui tirent leurs ressources d'autres sources et dont la prévoyance est assurée en particulier par l'intermédiaire de leur conjoint (art. 2 al. 1 let. b ch. 1 OPP 3). En fait, rien ne permet de considérer que seul serait conforme à l' art. 4 al. 1 Cst. un 3e pilier A indépendant de l'exercice d'une activité lucrative, alors que précisément les prestations de ce pilier doivent compléter ou se substituer à celles d'une prévoyance professionnelle (2e pilier) déficiente. Dans la mesure où il est recevable, le présent grief est donc mal fondé.
d) Quant à l'argument que la recourante entend tirer d'une prétendue inégalité entre hommes et femmes ( art. 4 al. 2 Cst. ), il est manifestement mal fondé: l' art. 7 OPP 3 n'introduit aucune différence entre hommes et femmes, salariés ou indépendants. Son alinéa 2 précise, au surplus, que, lorsque les deux époux exercent une activité lucrative et versent des cotisations à une forme reconnue de prévoyance, ils peuvent prétendre à ces déductions pour chacun d'eux. Que les femmes mariées - par nécessité ou par choix - exercent moins souvent que leur mari une activité lucrative encore à l'heure actuelle et qu'en conséquence, elles ne soient pas autorisées à se constituer une prévoyance individuelle liée représente une différence de fait, et non une inégalité juridique tombant sous le coup de l' art. 4 al. 2 Cst. Il n'appartient pas au Tribunal fédéral, mais au législateur, d'y remédier le cas échéant par des mesures compensatoires (GEORG MÜLLER, Commentaire de la Constitution fédérale de la Confédération suisse, n. 138 ad art. 4; KATHRIN KLETT, Der Gleichheitssatz im Steuerrecht, in RDS 111/1992 II p. 19).
e) En conséquence, rien ne justifie de s'écarter du texte clair des art. 7 OPP 3 et 82 al. 1 LPP auxquels renvoie l' art. 21 let . h ch. 3 LCP; l'interprétation extensive que la recourante entend donner à la notion de "salarié", en vue de guérir la prétendue inconstitutionnalité
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de ces dispositions, doit être écartée. N'étant elle-même ni salariée, ni indépendante, la recourante n'est donc pas autorisée à déduire des cotisations pour une forme reconnue de prévoyance individuelle liée.

8. Il convient d'examiner encore si, n'étant pas autorisée à déduire les cotisations versées pour une forme reconnue de prévoyance, la recourante peut néanmoins conserver la convention qu'elle a conclue avec la fondation de prévoyance de la Caisse d'épargne de Genève.
a) Les conventions de prévoyance liée sont des contrats spéciaux d'épargne conclus avec des fondations bancaires et qui sont affectés exclusivement et irrévocablement à la prévoyance ( art. 1er al. 3 OPP 3 ). Leur modèle doit être soumis à l'Administration fédérale des contributions qui vérifie si la forme et le contenu sont conformes aux dispositions légales ( art. 1er al. 4 OPP 3 ). A ces contrats sont attachés certains privilèges fiscaux: la déduction des montants qui sont versés jusqu'à concurrence des limites fixées par l' art. 7 al. 1 OPP 3 ( art. 82 al. 1 LPP ), l'exonération des prétentions des impôts directs de la Confédération, des cantons et des communes tant qu'elles ne sont pas devenues exigibles ( art. 84 LPP ), ainsi que la libération des rendements des fonds ainsi placés de l'impôt anticipé, celui-ci n'étant perçu qu'en cas de versement des prestations selon l' art. 3 OPP 3 au taux applicable aux prestations d'assurances ( art. 7 al. 1 LIA ; art. 13 al. 1 let . c LIA; cf. Circulaire aux fondations bancaires du 24 janvier 1991 édictée par l'Administration fédérale des contributions en matière de prévoyance professionnelle liée (3e pilier A), publiée in Conférence des fonctionnaires fiscaux d'Etat, Commission LPP, Prévoyance professionnelle et impôts, Cas d'application, Muri/Berne 1992, p. 336). Les conventions constituent ainsi en quelque sorte un "produit" original, réservé aux contribuables autorisés à se constituer une forme de prévoyance individuelle liée.
b) Dès lors que la recourante ne remplit pas les conditions posées à la déduction des cotisations selon l' art. 7 OPP 3 , elle n'a pas le droit non plus de bénéficier des autres avantages fiscaux attachés à cette forme de prévoyance. Elle ne saurait donc conserver un contrat ayant l'apparence d'une forme de prévoyance individuelle liée, alors que son compte relève de l'épargne traditionnelle, qu'il ne correspond pas à un modèle approuvé et ne peut bénéficier du statut particulier du 3e pilier A (cf. cas no 8, in Conférence des fonctionnaires fiscaux d'Etat, Commission LPP, Prévoyance professionnelle et impôts, Cas d'application p. 48 ss; Circulaire no 2 du 31 janvier 1986 de l'Administration
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fédérale des contributions, sur l'Ordonnance sur les déductions admises fiscalement pour les cotisations versées à des formes reconnues de prévoyance (OPP 3), ch. 5, let. a, publiée ibidem, p. 314; CARL HELBING, Personalvorsorge und BVG, 4e éd., p. 200; PASCHOUD, op.cit., p. 96; WOLFGANG MAUTE/MARTIN STEINER, Steuern und Versicherungen, Muri/Berne 1992, p. 125).
En conséquence, l'autorité fiscale était en droit d'inviter la recourante à régulariser sa situation. Toutefois, elle doit laisser à cette dernière le choix entre un remboursement en espèces des montants versés sur son compte de prévoyance individuelle liée et la transformation de ce compte en une forme d'épargne traditionnelle, sa compétence se limitant à veiller à ce que celle-ci ne soit plus titulaire d'une convention de prévoyance liée au sens de l' art. 1er al. 1er et 3 OPP 3 .

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