Federal court decision 119 II 380 from Sept. 2, 1993

Date: Sept. 2, 1993

Related articles:  Art. 191 LDIP, Art. 19 CO, Art. 20 CO, Art. 29 CO, Art. 4 Cst. , Art. 190 Abs. 2 IPRG, art. 190 al. 2 let, art. 178 al. 3 LDIP, art. 84 al. 1 let. a OJ, art. 63 al. 2 OJ, art. 4 Cst., art. 43 al. 1 OJ, art. 84 al. 1 let. b OJ, art. 36 let, art. 84 al. 1 let, art. 190 al. 2 let. b LDIP, art. 191 LDIP, art. 95 OJ, art. 178 al. 2 LDIP, art. 178 OJ, art. 178 LDIP, art. 29 CO, art. 19-20 CO

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Source: bger.ch

Urteilskopf

119 II 380


76. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour civile du 2 septembre 1993 dans la cause National Power Corporation contre Westinghouse International Projects Compagny, Westinghouse Electric S.A., Westinghouse Electric Corporation, Burns & Roe, Enterprises Inc. et Tribunal arbitral (recours de droit public)

Regeste

Internationale Schiedsgerichtsbarkeit; Zuständigkeit; Tragweite einer Schiedsgerichtsklausel ( Art. 190 Abs. 2 IPRG ).
1. Kognition des Bundesgerichts bei der Prüfung einer staatsrechtlichen Beschwerde im Gebiet der internationalen Schiedsgerichtsbarkeit (E. 3).
2. Grundsatz der Autonomie der Schiedsvereinbarung (E. 4a); ein Schiedsgericht ist befugt zu prüfen, ob ein Vertrag mit einer Bestechung zusammenhängt (E. 4b); vertragsrechtliche Auswirkungen von Schmiergeldzahlungen (E. 4c).

Sachverhalt ab Seite 381

BGE 119 II 380 S. 381

A.- En 1972, Ferdinand Marcos, Président de la République des Philippines, a proclamé la loi martiale. En 1973, il a décidé la construction d'une centrale nucléaire pour couvrir les besoins énergétiques de son pays. La National Power Corporation fut chargée de la planification et de la construction de l'usine. Le 23 avril 1974, elle a conclu avec la société américaine Burns & Roe, Enterprises Inc. un contrat d'ingénierie et de conseil et, le 9 février 1976, un contrat d'entreprise avec Westinghouse Electric S.A., en vue de la construction de la centrale. Ces contrats comportaient une clause arbitrale. La tâche d'entrepreneur fut, par la suite, reprise, en tout ou partie, par la Westinghouse International Projects Compagny et par la Westinghouse Electric Corporation.

B.- Par requêtes des 1er et 21 décembre 1988, les sociétés du groupe Westinghouse, d'une part, et Burns & Roe, d'autre part, ont introduit une procédure arbitrale afin de faire valoir leurs prétentions à l'encontre de la National Power Corporation et de la République des Philippines. En cours de procédure, les défenderesses ont élevé l'exception d'incompétence du Tribunal arbitral saisi. Par sentence incidente du 19 décembre 1991, le Tribunal arbitral a admis sa compétence.

C.- Le Tribunal fédéral a rejeté dans la mesure où il était recevable le recours de droit public interjeté par la National Power Corporation.

Erwägungen

Extrait des considérants:

3. a) La recourante soutient que les contrats litigieux sont nuls, car des actes de corruption et des pots-de-vin versés au Président Marcos seraient à l'origine de leur conclusion; cette nullité affecterait également les clauses compromissoires; selon elle, c'est ainsi à tort que le Tribunal arbitral s'était déclaré compétent.
Au terme d'une procédure probatoire minutieuse, le Tribunal arbitral a conclu que la recourante n'avait pas apporté la preuve que des pots-de-vin avaient été versés à Marcos, en relation avec la conclusion des contrats d'ingénierie et de conseil, et qu'elle n'avait pas établi non plus que la stipulation de la clause compromissoire incluse dans le contrat d'entreprise aurait été influencée par des actes de corruption. L'autorité arbitrale a admis ainsi sa compétence en la fondant sur le caractère obligatoire des contrats conclus et elle a laissé la question ouverte de savoir si cette compétence pouvait également découler du principe de l'autonomie de la clause arbitrale.
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b) Faisant référence à la manière avec laquelle le Tribunal fédéral contrôle une sentence incidente ayant pour objet la question de la compétence du tribunal arbitral, la recourante remet en question la sentence entreprise en lui opposant sa propre appréciation des preuves dans le cadre d'une critique de nature appellatoire. Ce faisant, elle méconnaît l'étendue du pouvoir d'examen du Tribunal fédéral.
La double notion de pouvoir limité ou de plein pouvoir d'examen trouve son origine dans le recours de droit public de l' art. 84 al. 1 let. a OJ ; elle laisse entrevoir les particularités liées au principe de l'interdiction de l'arbitraire. La distinction met en évidence le fait que le Tribunal fédéral, en qualité de Haute Cour, ne contrôle pas la bonne application des lois et des ordonnances; il examine uniquement si l'acte attaqué souffre d'inconstitutionnalité; lorsque le principe de l'interdiction de l'arbitraire est en cause, seules les violations manifestes sont sanctionnées.
Quand il statue en qualité de juridiction de réforme, le Tribunal fédéral est, en principe, lié par les constatations de fait de la dernière instance cantonale ( art. 63 al. 2 OJ ; pour les exceptions, cf. ATF 117 II 256 consid. 2a). Si le recourant entend formuler des griefs contre lesdites constatations de fait ou contre l'appréciation des preuves, la voie de droit ouverte est celle du recours de droit public pour violation de l' art. 4 Cst. ( art. 43 al. 1 OJ ). Dans ce contexte, le Tribunal fédéral n'annule la décision attaquée qu'en cas d'appréciation arbitraire des preuves ( ATF 118 Ia 28 consid. 1b et les arrêts cités). Il en va de même lorsque le recourant invoque une violation directe de la Constitution fédérale et prétend que l'état de fait relatif à un droit fondamental - par exemple le droit à un tribunal indépendant - a été établi de manière anticonstitutionnelle: le Tribunal fédéral examine alors les constatations de fait et l'appréciation des preuves sous l'angle restreint de l'arbitraire ( ATF 116 Ia 8 consid. 2b). En matière de recours fondés sur une violation des règles de concordats ( art. 84 al. 1 let. b OJ ), le Tribunal fédéral contrôle librement l'interprétation et l'application des dispositions concordataires ( ATF 115 Ia 212 consid. 2a, ATF 112 Ia 350 consid. 1), mais son pouvoir d'examen des faits est limité (cf. art. 36 let . f CIA ATF 112 Ia 166 consid. 3b, ATF 110 Ia 56 consid. 1b; ATF 105 Ib 431 consid. 4b). Une critique de nature purement appellatoire est irrecevable ( ATF 107 Ib 63 consid. 1 p. 65, ATF 103 Ia 356 consid. 2). Toutefois, en cas de recours fondés sur une violation d'un traité international (cf. art. 84 al. 1 let . c OJ), le Tribunal fédéral examine librement la décision attaquée, mais il s'en tient uniquement
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aux griefs invoqués ( ATF 108 Ib 85 consid. 2a et les arrêts cités). Il peut prendre en considération des pièces et des moyens nouveaux ( ATF 115 Ib 197 consid. 4a et les arrêts cités).
c) Le législateur a intentionnellement limité, à l' art. 190 al. 2 LDIP , les griefs qui peuvent être invoqués - par rapport à ceux de l'art. 36 CIA - afin de réduire les possibilités de ralentir la procédure et afin d'augmenter l'efficacité de la juridiction arbitrale ( ATF 115 II 291 ; WALTER/BOSCH/BRÖNNIMANN, Internationale Schiedsgerichtsbarkeit in der Schweiz, p. 214). Cet objectif serait fortement compromis si le plein pouvoir d'examen dont le Tribunal fédéral dispose pour connaître des griefs fondés sur l' art. 190 al. 2 LDIP devait être compris en ce sens qu'il permettrait à cette autorité de revoir librement les constatations de faits du Tribunal arbitral, comme le ferait une juridiction d'appel. Ainsi, il importe peu que le Tribunal fédéral soit saisi d'objections relatives à l'état de fait en relation avec un grief formel fondé sur l'art. 190 al. 2 let. a - d LDIP ou en rapport avec le motif de fond de l' art. 190 al. 2 let . e LDIP. Certes, dans le cadre de l' art. 190 al. 2 let. b LDIP , il examine librement d'éventuelles questions préjudicielles de droit matériel, mais uniquement dans la mesure où celles-ci doivent être résolues pour statuer sur la compétence ou l'incompétence du tribunal arbitral saisi ( ATF 118 II 193 consid. 5a, ATF 117 II 94 consid. 5a). Cependant, il revoit l'état de fait à la base de la sentence attaquée - même s'il s'agit d'une sentence incidente portant sur la question de la compétence de l'autorité arbitrale - uniquement lorsque l'un des griefs mentionnés à l' art. 190 al. 2 LDIP est soulevé à l'encontre dudit état de fait (par exemple, lorsque la méconnaissance d'un fait essentiel et dûment établi conduit à une violation de l'ordre public: LALIVE/POUDRET/REYMOND, n. 3.3. ad art. 191 LDIP ) ou lorsque des faits ou des moyens de preuves nouveaux (cf. art. 95 OJ ) sont exceptionnellement pris en considération dans le cadre de la procédure de recours de droit public ( ATF 107 Ia 187 consid. 2b).
En l'espèce, la recourante ne prétend pas que le Tribunal arbitral ait établi les faits en violation des garanties de procédure auxquelles l' art. 190 al. 2 let . d LDIP fait référence ou de manière incompatible avec l'ordre public. Elle conteste l'appréciation des preuves à laquelle s'est livré le Tribunal arbitral; ce faisant, elle exerce à l'encontre des constatations de fait de la sentence attaquée une critique purement appellatoire, irrecevable en la présente procédure. Les faits qui eussent permis de conclure à la nullité des contrats (versements de pots-de-vin) n'étant pas établis, le grief d'incompétence
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soulevé par la recourante sur la base de ces faits se révèle ainsi mal fondé.

4. Même si le Tribunal arbitral avait retenu que les pots-de-vin versés au Président Marcos avaient abouti à la conclusion des contrats litigieux, le recours aurait dû, malgré tout, être rejeté pour les motifs suivants:
a) Quant au fond, la convention d'arbitrage est valable si elle répond aux conditions que pose soit le droit choisi par les parties, soit le droit régissant l'objet du litige et notamment le droit applicable au contrat principal, soit encore le droit suisse ( art. 178 al. 2 LDIP ). Cette règle de conflit "in favorem validitatis" fonde un rattachement alternatif dans le but d'éviter, si possible, la survenance de différends relatifs à la validité de la convention d'arbitrage (LALIVE/POUDRET/REYMOND, n. 14 ad art. 178 OJ ). De plus, une convention d'arbitrage ne peut être attaquée au motif que le contrat principal ne serait pas valable ( art. 178 al. 3 LDIP ). Le droit suisse connaît ainsi le principe de l'autonomie de la clause arbitrale, principe adopté par la jurisprudence depuis des décennies ( ATF 59 I 177 ) et universellement admis en Europe occidentale et aux Etats-Unis sous la terminologie "severability" ou "separability" (LALIVE/POUDRET/REYMOND, n. 4 ad art. 178 LDIP ; cf., également, A. BUCHER, Die neue internationale Schiedsgerichtsbarkeit in der Schweiz, p. 39, no 84 et p. 116, no 307; WALTER/BOSCH/BRÖNNIMANN, op.cit., p. 77; RÜEDE/HADENFELDT, Schweizerisches Schiedsgerichtsrecht, 2e éd., p. 87 s.; JOLIDON, n. 8.1 ad art. 4 CIA; SCHWAB/WALTER, Schiedsgerichtsbarkeit, 4e éd., p. 36 s.; SCHLOSSER, Das Recht der internationalen privaten Schiedsgerichtsbarkeit, 2e éd., p. 291 ss, nos 392 s.).
Demeurent réservés, toutefois, les cas dans lesquels la cause de nullité du contrat principal affecte également la clause compromissoire qui y est contenue, en particulier s'il y a défaut d'exercice des droits civils d'une partie, désaccord latent ou existence de certains vices du consentement, tels que la crainte fondée au sens de l' art. 29 CO ( ATF 88 I 100 consid. 2 p. 105; LALIVE/POUDRET/REYMOND, n. 3 ad art. 4 CIA; WALTER/BOSCH/BRÖNNIMANN, op.cit., p. 77; JOLIDON, op.cit., p. 139; RÜEDE/HADENFELDT, loc.cit.; SCHLOSSER, op.cit., p. 293, no 393).
b) D'après la conception juridique suisse, les promesses de versement de pots-de-vin sont illicites, et donc nulles en vertu des articles 19 s. CO, en raison du vice affectant leur contenu (KRAMER, n. 200 ad art. 19-20 CO avec les réf.). Selon un point de vue confirmé, elles
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contreviennent également à l'ordre public international (EL KOSHERI/LEBOULANGER, L'arbitrage face à la corruption et aux trafics d'influence, in Revue de l'arbitrage 1985, p. 3 ss; LALIVE, Ordre public transnational (ou réellement international) et arbitrage international, in Revue de l'arbitrage 1986, p. 329/336 ss). Dans une sentence de l'année 1963 (sentence no 110/1963 CCI; cf. EL KOSHERI/LEBOULANGER, op.cit., p. 7, note 6 et p. 11) - qui a donné lieu à de nombreux commentaires -, une autorité arbitrale a estimé que les contrats entachés de corruption ne peuvent être examinés par aucune juridiction, même arbitrale. Cette opinion a fait l'objet de critiques virulentes (cf. EL KOSHERI/LEBOULANGER, op.cit., p. 10 ss; LALIVE, op.cit., p. 337 ch. 20 et les réf.), en raison de son incompatibilité avec le principe de l'autonomie de la clause compromissoire. On doit actuellement la considérer comme dépassée; par ailleurs, elle se révèle inconciliable, de prime abord, avec les dispositions de l' art. 178 al. 3 LDIP . Il peut, en particulier, y avoir controverse sur le point de savoir si l'on a affaire à une provision licite ou, au contraire, à un pot-de-vin illicite. Seule la mise en oeuvre d'une procédure probatoire - qui peut fort bien incomber à un tribunal arbitral - est susceptible d'apporter une réponse à cette question. Le principe de l'autonomie de la clause arbitrale se révèle ainsi tout à fait justifié dans ce contexte.
c) En l'espèce, il ne faut pas perdre de vue non plus que les prétentions exercées ne se fondent pas sur un contrat de pot-de-vin mais sur des contrats pour la conclusion desquels des pots-de-vin auraient été versés. Selon la conception qui prévaut en droit suisse, de tels contrats ne sont pas nuls au regard des art. 19 s. CO; leur contenu n'est, en effet, pas vicié; il se peut, toutefois, qu'en raison d'un abus du pouvoir de représentation (cf. ATF 119 II 23 ) ou d'un vice du consentement, ils ne lient pas l'une des parties (KRAMER, loc.cit.; E. HUBER, Sind die durch Schmiergelder erschlichenen Verträge rechtsgültig?, in RSJ 18/1921, p. 81 ss; contra, en matière de vices du consentement, ATF 47 II 86 consid. 4; ZUFFEREY-WERRO, Le contrat contraire aux bonnes moeurs, thèse Fribourg 1988, p. 283, no 1282; cf., également, SCHMIDLIN, n. 508 ad art. 23/24 CO). L'autonomie de la clause compromissoire s'impose également dans ce contexte: elle permet de déterminer quels sont les effets juridiques du pot-de-vin sur le contrat principal, à moins que, entachée du même vice que le contrat principal, la clause arbitrale n'oblige pas l'une des parties; la recourante ne prétend pas que tel serait le cas en l'espèce.

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