BGE 120 IB 332 vom 27. Juni 1994

Datum: 27. Juni 1994

Artikelreferenzen:  Art. 19 LTr, Art. 27 LTr , Art. 18 und 19 ArG, art. 19 al. 1 LTr, art. 19 al. 2 LTr, art. 27 LTr

BGE referenzen:  116 IB 284, 126 II 106, 131 II 200, 136 II 427, 145 II 360 , 116 IB 284

Quelle: bger.ch

Urteilskopf

120 Ib 332


47. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour de droit public du 27 juin 1994 dans la cause Union du commerce local, à Porrentruy, contre Tribunal cantonal du canton du Jura et Service des arts et métiers et du travail du canton du Jura (recours de droit administratif)

Regeste

Art. 18 und 19 ArG ; Ladenöffnungszeiten am Sonntag.
Ratio legis des Sonntagsarbeitsverbots (E. 3).
Bewilligung von vorübergehender Sonntagsarbeit; Begriff des dringenden Bedürfnisses (E. 4).
Bewilligung von dauernder oder regelmässig wiederkehrender Sonntagsarbeit; Begriff der technischen oder wirtschaftlichen Unentbehrlichkeit (E. 5).
Es liegt nicht rechtsungleiche Behandlung vor, wenn in anderen Kantonen Sonntagsarbeit bewilligt wird (E. 6).

Sachverhalt ab Seite 333

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Le 8 mars 1993, l'Union du commerce local, à Porrentruy, a présenté au Service des arts et métiers et du travail du canton du Jura une demande d'autorisation valable pour tous les commerçants de la ville d'occuper leur personnel le dimanche 19 décembre 1993 de 14h00 à 18h30.
Le Service des arts et métiers et du travail du canton du Jura a refusé l'autorisation sollicitée par décision du 30 juillet 1993. Il a considéré en particulier qu'aucune des exceptions prévues, par la législation fédérale sur le travail, à l'interdiction de travailler le dimanche n'était réalisée.
Par arrêt du 11 novembre 1993, le Tribunal cantonal, Chambre administrative, du canton du Jura a rejeté le recours déposé par l'Union du commerce local contre la décision prise le 30 juillet 1993 par le Service des arts et métiers et du travail.
Agissant par la voie du recours de droit administratif, l'Union du commerce local demande au Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt rendu le 11 novembre 1993 par le Tribunal cantonal, Chambre administrative, du canton du Jura et de constater que les conditions légales permettant de la faire bénéficier d'une dérogation à l'interdiction du travail dominical le 19 décembre 1993 de 14h00 à 18h30 sont remplies.
Le Tribunal fédéral a rejeté le recours.

Erwägungen

Extrait des considérants:

3. a) Selon l'art. 18 al. 1 de la loi fédérale sur le travail dans l'industrie, l'artisanat et le commerce du 13 mars 1964 (LTr; RS 822.11), il est interdit d'occuper des travailleurs le dimanche.
Il est vrai que le travail du dimanche n'a pas d'effet direct sur la santé, mais son incidence sur le plan social et culturel est des plus importantes. Non seulement le dimanche est un jour sacré selon la tradition chrétienne et il garde encore cette signification pour une partie de la population, mais surtout l'institution d'un même jour libre pour tous permet aux personnes sous pression dans leur travail de bénéficier de repos et de loisirs en dehors de la vie de tous les jours. Il permet le calme intérieur, qui ne serait pas pensable sans calme extérieur. Un temps libre commun rend possibles, dans une grande mesure, la communication et les contacts à l'intérieur et à l'extérieur de la famille, ce qui n'est pas
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réalisable par du temps libre individuel durant la semaine ( ATF 116 Ib 284 consid. 4a p. 288). Cela ressort aussi du message du Conseil fédéral concernant un projet de loi sur le travail du 30 septembre 1960 (FF 1960 II 885 p. 956). Le législateur fédéral a restreint le travail dominical plus rigoureusement encore que le travail nocturne, d'abord en considération de la sanctification du dimanche, mais aussi par égard pour la vie familiale.
b) La loi sur le travail prévoit toutefois plusieurs exceptions à l'interdiction du travail dominical. A bon droit, la recourante n'invoque pas celle qui est consentie en faveur des régions touristiques et des localités frontières, la ville de Porrentruy ne tombant pas sous le coup de ces définitions (cf. l' art. 27 LTr , l'art. 41 de l'ordonnance II concernant l'exécution de la LTr du 14 janvier 1966 - RS 822.112 - et l'art. 4 du règlement d'exécution de la loi fédérale sur l'encouragement du crédit à l'hôtellerie et aux stations de villégiature du 23 décembre 1966 - RS 935.121).
Il reste à examiner si l'une des exceptions de l' art. 19 LTr est réalisée.

4. a) Aux termes de l' art. 19 al. 1 LTr , l'autorité cantonale peut autoriser temporairement le travail du dimanche à trois conditions; il faut (a) qu'il existe un besoin urgent dûment établi, (b) que les travailleurs affectés à ce travail y consentent et (c) que l'employeur leur verse, en contrepartie, un supplément de salaire d'au moins 50 pour cent (REHBINDER, Arbeitsgesetz, Zurich 1987, 4e éd., n. 1 ad art. 19, p. 76).
D'après la doctrine, pour que soit autorisé le travail dominical, il ne suffit pas que soit établi n'importe quel besoin; il faut encore que le besoin soit urgent, c'est-à-dire que des raisons impérieuses le justifient (HUG, Commentaire de la loi fédérale sur le travail, Berne 1971, n. 5 ad art. 19, p. 193).
b) Comme le relève la recourante, la demande en biens de consommation augmente pendant la période précédant Noël et le besoin accru des consommateurs doit être satisfait durant une période très limitée dans le temps. Toutefois, ces considérations ne permettent pas encore d'établir l'urgence à satisfaire ces besoins par une ouverture des commerces le dimanche. Les consommateurs peuvent acquérir des biens de consommation pendant les jours ouvrables. En outre, la commune de Porrentruy autorise deux ouvertures nocturnes des commerces durant la période précédant Noël. Une ouverture dominicale des commerces ne correspond pas non plus à un besoin urgent de ces derniers, quand bien même cette ouverture, accompagnée
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d'animations diverses, aurait un effet publicitaire bienvenu.
Dès lors, compte tenu de la volonté manifeste du législateur de régler plus rigoureusement le travail dominical que le travail de nuit (FF 1960 II 956; ATF 116 Ib 284 consid. 4d p. 289/290), il faut constater que la recourante n'a pas dûment établi l'existence d'un besoin urgent en la matière.
c) La première condition de l' art. 19 al. 1 LTr n'étant pas remplie, la recourante ne peut demander d'être mise au bénéfice de l'exception que prévoit cette disposition. Il n'est donc pas nécessaire d'examiner si les autres conditions de la disposition précitée sont remplies. On peut douter toutefois que la recourante ait valablement recueilli le consentement des travailleurs concernés puisque celui-ci doit être indiqué dans la demande du permis (art. 52 al. 2 de l'ordonnance 1 concernant la LTr du 14 janvier 1966 - ordonnance générale; RS 822.111; HUG, op.cit., n. 6 ad art. 19, p. 193).

5. a) L' art. 19 al. 2 LTr prévoit que l'autorité cantonale peut autoriser des entreprises qui ne sont pas industrielles à travailler régulièrement ou périodiquement le dimanche lorsque des raisons techniques ou économiques le rendent indispensable.
En tant que dérogations à l'un des principes majeurs du droit des travailleurs, les exceptions à l'interdiction du travail dominical ne doivent être accordées, selon le principe de la proportionnalité, que là où le caractère indispensable est établi ( ATF 116 Ib 284 consid. 4d p. 290). De plus, les exceptions à l'interdiction du travail dominical doivent se conformer au principe de l'égalité de traitement, issu de la liberté du commerce et de l'industrie, et ne doivent pas avoir un effet de distorsion de la concurrence ( ATF 116 Ib 284 consid. 4c p. 289).
b) L'appendice de l'ordonnance générale définit l'indispensabilité technique ou économique du travail régulier ou périodique du dimanche; à son chiffre I.2 lettre c - qui seul entre en considération en l'espèce -, il précise que le travail régulier ou périodique du dimanche est indispensable pour des raisons économiques, notamment lorsque "la capacité de concurrence à l'égard de l'étranger est réduite considérablement du fait que la durée du travail est plus longue à l'étranger ou que les conditions de travail y sont différentes".
Des différences dans les dispositions légales sur le travail, liées au démantèlement des barrières douanières et aux écarts de change, peuvent porter préjudice à la capacité concurrentielle des entreprises suisses,
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lorsqu'il existe des prescriptions moins sévères dans les pays concurrents. Il y a cependant beaucoup d'autres avantages et désavantages selon les pays concernés pour la production et la distribution de biens. Les avantages de lieu de certains pays étrangers, dus par exemple à des niveaux de salaire inférieurs, ne doivent pas être compensés par des exceptions à l'interdiction du travail dominical. Il ne faut prendre en considération une diminution de la capacité concurrentielle que si elle est causée par des prescriptions de protection des travailleurs moins sévères à l'étranger. Une comparaison avec les conditions de travail dans les pays concurrents ne doit pas non plus faire perdre de vue la volonté du législateur de limiter autant que possible le travail dominical. En effet, si la portée de la protection des travailleurs était uniquement déterminée par celle prévalant au niveau le plus bas à l'étranger, l'interdiction du travail dominical serait aisée à contourner. Dès lors, ce n'est que lorsque des pays, ayant une réglementation sociale en principe équivalente, connaissent des prescriptions moins sévères dans des branches déterminées, que la protection du travailleur vient au second plan. Encore faut-il que des effets considérables sur la capacité concurrentielle des entreprises suisses soient démontrés ( ATF 116 Ib 284 consid. 5d p. 293/294).
c) L'autorité intimée a admis que les commerces de Porrentruy subissaient la concurrence de ceux qui se trouvent sur territoire français, à proximité de la frontière et dans les grandes agglomérations de la région, et que cette concurrence était due essentiellement aux prix plus bas qui y sont pratiqués en raison du taux de change et de la réglementation différente en matière agricole. Quant aux conditions de travail, elles ne seraient en tout cas pas moins favorables aux travailleurs français qu'aux travailleurs suisses. En particulier, la durée du travail n'est pas plus longue en France qu'en Suisse; elle aurait même tendance à y être plus courte.
Rien ne permet de mettre en doute ces faits - que la recourante ne conteste d'ailleurs pas - de sorte qu'ils lient le Tribunal fédéral.
Ainsi, il est vrai que les commerces français sont plus souvent autorisés à travailler en soirée et le dimanche, en particulier en décembre, que les entreprises suisses qui sont soumises à des prescriptions plus sévères et que la réglementation sociale dans les deux pays est sensiblement équivalente; il est toutefois manifeste que ces éléments ne jouent pas un rôle déterminant sur la capacité concurrentielle des commerces suisses au regard de l'influence des changes et des prix. Contrairement à ce qu'affirme la recourante, la protection des travailleurs ne saurait dès
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lors être affaiblie pour compenser le handicap que représente le niveau plus élevé du franc et des prix suisses. Ainsi, le travail dominical ne semble pas indispensable pour des raisons économiques, soit afin de restaurer la capacité concurrentielle des membres de la recourante.
d) En conséquence, c'est à bon droit que l'autorité intimée a considéré qu'une dérogation à l'interdiction du travail dominical ne se justifiait pas au regard de l' art. 19 al. 2 LTr . Il est par conséquent superflu d'examiner si l'ouverture de commerces un dimanche après-midi par an a un caractère régulier ou périodique au sens de cette disposition.

6. a) La recourante se plaint encore d'inégalité de traitement.
A titre préliminaire, il convient d'observer que les consultations opérées par l'autorité inférieure et son soin à assurer un traitement uniforme des entreprises dans le Jura évitent toute inégalité de traitement au niveau régional. Aussi la recourante ne compare-t-elle pas sa situation à celle de commerces de la région, mais bien à celle d'entreprises d'autres cantons. Il convient de relever d'emblée que l'intéressée ne peut pas se prévaloir de ce que, dans des cas semblables, le travail dominical est autorisé dans d'autres cantons. En effet, cette situation ne lie ni les autorités jurassiennes, ni le Tribunal fédéral. Ce grief est donc mal fondé. Au surplus, les localités de Morat - comme l'a déjà relevé l'autorité intimée - et de Pully sont situées dans des régions touristiques, au sens du règlement d'exécution de la loi fédérale sur l'encouragement du crédit à l'hôtellerie et aux stations de villégiatures, et sont par conséquent soumises à une réglementation particulière. Quant à celle de Wil, elle serait au bénéfice de la législation saint-galloise - dont la conformité du droit fédéral n'a pas à être examinée ici - qui autoriserait les magasins à tenir boutique quatre jours fériés par an. Il n'existe pas de disposition semblable en droit jurassien, de sorte que la recourante ne se trouve pas dans une situation comparable.
b) Se référant à la doctrine (KNAPP, Précis de droit administratif, Bâle 1991, 4e éd., p. 292/293, nos 1386 ss; GRISEL, Traité de droit administratif, Neuchâtel 1984, vol. I, p. 410), la recourante soutient enfin qu'elle devrait être mise au bénéfice d'une autorisation exceptionnelle, destinée à éviter les cas de rigueur; elle reproche à l'autorité intimée de n'avoir pas mis en balance l'intérêt général auquel correspondrait cette dérogation et l'intérêt public visé par le législateur.
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En réalité, le législateur fédéral a précisément procédé à cette pesée d'intérêts en adoptant les art. 18 et 19 LTr . Il a pris en considération les intérêts des employeurs et entreprises ainsi que des consommateurs et des travailleurs, puis il a défini de manière claire quand et à quelles conditions les intérêts des uns prévalaient sur ceux des autres. Il n'appartient pas aux autorités d'application de la loi sur le travail, ni aux autorités judiciaires de remettre en cause cette appréciation. Au demeurant, la recourante n'a pas établi en quoi sa situation serait exceptionnelle et constituerait un cas de rigueur par rapport à la réglementation voulue par le législateur fédéral.
Au surplus, dans la mesure où la recourante mettrait ainsi en cause l'opportunité de la décision attaquée, il convient de rappeler que le Tribunal fédéral ne revoit pas le grief d'inopportunité dans le cas particulier.

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