Urteilskopf
125 II 624
62. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour de droit public du 29 octobre 1999 dans la cause Société suisse de radiodiffusion et télévision (SSR) contre Autorité indépendante d'examen des plaintes en matière de radio-télévision et Franz Weber (recours de droit administratif)
Regeste
Art. 58 Abs. 2 RTVG
und
Art. 60 Abs. 1 RTVG
; Zugang zum Medium Fernsehen: "Recht auf Antenne"; Zuständigkeit der Unabhängigen Beschwerdeinstanz; Nichtausstrahlung einer Information (Zustandekommen einer kantonalen Initiative).
Unzuständigkeit der Unabhängigen Beschwerdeinstanz für Streitigkeiten betreffend den - von bereits ausgestrahlten Sendungen zu unterscheidenden - Problemkreis des Zugangs Einzelner zu den Medien an sich (sog. Recht auf Antenne). Überweisung der Sache an das zuständige Departement (E. 3).
Franz Weber, président de l'association Helvetia Nostra, a organisé, le 11 mars 1998, une conférence de presse, au cours de laquelle il a annoncé le résultat de la récolte des signatures pour l'initiative populaire cantonale "Sauver le pied du Jura", qui avait abouti. Le journaliste de la Télévision suisse romande (TSR), présent à la conférence de presse, a interviewé Franz Weber. Mais la TSR n'a diffusé ni cette interview ni n'a relaté la nouvelle de l'aboutissement de cette initiative dans son émission d'actualités régionales "Vaud-Région" du 11 mars 1998.
Le 12 mars 1998, l'association Helvetia Nostra a diffusé un communiqué de presse intitulé "L'initiative `Sauver le pied du Jura': 19'650 signatures!". Mais la TSR n'a fait aucune mention de cette information.
Le 3 juillet 1998, Franz Weber a porté plainte contre la TSR auprès de l'Autorité indépendante d'examen des plaintes en matière de radio-télévision (ci-après: l'Autorité de plainte), avec l'appui de vingt-sept cosignataires. Il se plaignait de ce qu'un événement important de la vie politique vaudoise ait été passé sous silence par la TSR, sans toutefois contester une émission en particulier. Le 7 juillet 1998, il a déposé une écriture complémentaire.
Par décision du 22 octobre 1998, l'Autorité de plainte a admis la plainte dans la mesure où elle était recevable et constaté que l'émission "Vaud-Région" diffusée le 11 mars 1998 par la TSR avait violé l'art. 4 al. 1 de la loi fédérale du 21 juin 1991 sur la radio et la télévision (LRTV; RS 784.40) en omettant de relater la nouvelle de l'aboutissement de l'initiative en question.
Agissant par la voie du recours de droit administratif, la Société suisse de radiodiffusion et télévision (SSR) demande au Tribunal fédéral d'annuler la décision de l'Autorité de plainte du 22 octobre 1998.
Le Tribunal fédéral a admis le recours et transmis la cause au Département fédéral de l'environnement, des transports, de l'énergie et de la communication.
Extrait des considérants:
3.
La recourante soutient que l'Autorité de plainte n'aurait pas dû entrer en matière sur la plainte déposée par Franz Weber, dans la mesure où celle-ci n'était pas dirigée contre une émission diffusée.
a) L'Autorité de plainte est habilitée à statuer sur les plaintes relatives à des émissions qui ont été diffusées (art. 58 al. 2 et 60 al. 1 LRTV; cf. aussi Message du Conseil fédéral du 28 septembre 1987 relatif à la LRTV, FF 1987 III 688). Conformément aux principes de l'indépendance et de l'autonomie de la radio et de la télévision consacrés par les
art. 55bis al. 3 Cst.
, 5 al. 1 et 56 al. 1er LRTV, les diffuseurs conçoivent librement les programmes. Nul ne peut se prévaloir de la loi sur la radio et la télévision pour exiger du diffuseur la diffusion d'une production ou d'une information déterminée (
art. 5 al. 3 LRTV
). D'une manière générale, il n'existe donc en principe pas de droit à l'antenne (
ATF 119 Ib 241
ss, 250 ss; cf. récemment
ATF 123 II 402
consid. 2b/cc et 3b). Il en découle que la surveillance de l'Autorité de plainte ne peut pas s'exercer à titre préventif. L'autorité en question n'a aucun droit de regard au stade de la préparation des programmes. Le contrôle intervient uniquement a posteriori. Autrement dit, il ne porte que sur des émissions déjà diffusées à l'antenne (DENIS BARRELET, Droit de la communication, Berne 1998, n. 723, p. 206). En limitant le contrôle de l'Autorité de plainte aux seules émissions déjà diffusées, le législateur fédéral a voulu exclure toute censure préalable de la part d'un organe étatique (Message du Conseil fédéral du 8 juillet 1981 sur la création d'une autorité indépendante d'examen des plaintes en matière de radio-télévision, FF 1981 III 110. Voir aussi, MARTIN DUMERMUTH, Die Programmaufsicht bei Radio und Fernsehen in der Schweiz, Bâle et Francfort-sur-le-Main 1992, n. 5.8.3, p. 181 s.; MARTIN DUMERMUTH, Rundfunkrecht, in: Koller/Müller/Rhinow/Zimmerli [éd.], Schweizerisches Bundesverwaltungsrecht, Bâle 1996, n. 443 à 449, p. 184 ss).
Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, l'Autorité de plainte est ainsi incompétente pour trancher les litiges où le droit d'accès aux médias est en cause en dehors de toute émission déjà diffusée. En pareils cas, c'est la Société suisse de radiodiffusion et télévision (SSR) qui est compétente pour rendre des décisions sur le "droit à l'antenne" susceptibles de recours au département concerné, puis au Tribunal fédéral, indépendamment des doutes que l'on pourrait avoir au sujet d'un tel droit (
ATF 119 Ib 241
consid. 2 et 3 et les références citées. Voir aussi BERNARD CORBOZ, Le contrôle populaire des émissions de la radio et de la télévision, Mélanges Patry, Lausanne 1988, p. 283; DUMERMUTH, op.cit., Rundfunkrecht, n. 123, p. 52).
b) En l'occurrence, le litige porte sur le refus de la TSR de diffuser la nouvelle de l'aboutissement de l'initiative populaire cantonale "Sauver le pied du Jura". Il s'agit là d'une contestation où le droit d'accès aux médias est en cause en dehors de toute émission diffusée. La plainte du 3 juillet 1998 déposée par Franz Weber devant l'Autorité de plainte n'était d'ailleurs pas dirigée contre une émission diffusée. Elle ne visait pas, en particulier, l'émission d'actualités "Vaud-Région" diffusée le 11 mars 1998 par la TSR. Le plaignant ne critiquait pas le contenu d'une émission déterminée, mais reprochait à la TSR d'avoir refusé "d'informer le public sur un événement politique important tel que l'aboutissement d'une initiative populaire. Par ce refus, elle boycotte les moyens de la démocratie directe [...]". Dans une écriture complémentaire datée du 7 juillet 1998, le plaignant a en outre expressément indiqué, par l'intermédiaire de son conseil, que la "plainte ne porte pas sur une émission, mais sur le refus d'informer sur un fait important touchant à la démocratie directe". C'est donc à tort que l'Autorité de plainte a considéré que la plainte en question avait trait à l'émission d'actualités "Vaud-Région" diffusée le 11 mars 1998 - non contestée par le plaignant - et qu'elle a reconnu sa compétence pour connaître de cette affaire. En d'autres termes, elle n'aurait pas dû se saisir de ladite plainte, mais transmettre le cas échéant la cause au Département fédéral de l'environnement, des transports, de l'énergie et de la communication.
c) Même si Franz Weber avait formellement contesté l'émission d'actualités "Vaud-Région" diffusée le 11 mars 1998 par la TSR, l'Autorité de plainte n'aurait pas non plus été forcément compétente pour examiner si l'omission de relater l'aboutissement de l'initiative en question était conforme au droit des programmes. En effet, l'Autorité de plainte n'est pas compétente pour se prononcer sur les
BGE 125 II 624 S. 628
différends relatifs au droit à l'antenne (cf. consid. 3a ci-dessus). La non-diffusion d'une information ne peut être contestée devant l'Autorité de plainte que pour autant que cette omission soit de nature à affecter le contenu proprement dit de l'émission diffusée (ce qui a été dit et montré à l'antenne). Tel serait notamment le cas si, dans une émission d'information, un événement était présenté de manière partiale ou incomplète. Or de tels reproches n'ont pas été adressés à l'encontre de l'émission du 11 mars 1998. De plus, à supposer qu'elle ait été formellement désignée par Franz Weber, cette émission n'a pas été visionnée par l'Autorité de plainte; cela montre que le litige en cause n'avait rien à voir avec le contenu de cette émission diffusée, qualifiée d'illégale par l'Autorité de plainte.