Urteilskopf
125 III 435
73. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour civile du 28 septembre 1999 dans la cause Crédit Lyonnais (Suisse) S.A. contre S. et G. (recours en réforme)
Regeste
Bürgschaft auf Zeit (
Art. 510 Abs. 3 OR
).
Art. 510 Abs. 3 OR
findet auf die befristete Bürgschaft Anwendung. Davon zu unterscheiden ist der Fall, in dem die vereinbarte Befristung nicht die Bürgschaftsverpflichtung, sondern die verbürgten Forderungen betrifft.
A.-
a) L'entreprise X. S.A. a été inscrite au registre du commerce de Lausanne le 10 mai 1991. S. et G. en étaient, respectivement, le président du conseil d'administration et le directeur, avec signature collective à deux.
Le 29 avril 1991, Crédit Lyonnais (Suisse) S.A. (ci-après: la Banque) a confirmé à X. S.A. qu'elle lui accordait une ligne de crédit sous la forme d'une avance à terme fixe de 100'000 fr. et d'une avance en compte courant de 200'000 fr.
Par acte authentique signé le 1er mai 1991, S. et G. se sont portés cautions solidaires de X. S.A. envers la Banque à concurrence d'un montant maximum de 300'000 fr.
b) La faillite de X. S.A. a été prononcée le 24 décembre 1992. La Banque a produit, le 29 mars 1993, une créance de 250'241 fr. 84 correspondant au solde débiteur du compte de ladite société. Elle n'a touché aucun dividende sur cette créance, qui a été admise dans son intégralité.
Par lettres du 8 avril 1993, la Banque a interpellé S. et G. au sujet du remboursement du prêt octroyé à leur société et elle leur a indiqué le solde précité.
Les 8 novembre et 7 décembre 1995, la Banque a fait notifier à S. et G. un commandement de payer la somme de 250'241 fr. 84 avec intérêts à 5% dès le 24 décembre 1992. Les poursuivis ont formé opposition totale et la Banque n'a pas obtenu la mainlevée provisoire de ces oppositions.
BGE 125 III 435 S. 436
B.-
Le 18 mars 1996, la Banque a assigné S. et G., pris solidairement, en paiement de la somme et des intérêts susmentionnés. Elle a requis, en outre, la mainlevée définitive des oppositions aux commandements de payer y relatifs.
Les défendeurs ont conclu au rejet intégral de la demande.
Par jugement du 16 avril 1998, la Cour civile du Tribunal cantonal du canton de Vaud a fait droit aux conclusions de la demanderesse.
C.-
Les défendeurs interjettent un recours en réforme au Tribunal fédéral. Ils y reprennent leurs conclusions libératoires.
La demanderesse propose le rejet du recours.
Le Tribunal fédéral rejette le recours et confirme le jugement attaqué.
Extrait des considérants:
1.
Seul est litigieux, à ce stade de la procédure, le point de savoir si le cautionnement en cause a été donné pour un temps déterminé ou pour un temps indéterminé. Les défendeurs estiment que l'on se trouve, en l'occurrence, dans la première de ces deux hypothèses et ils fondent leur libération sur l'
art. 510 al. 3 CO
. Aux termes de cette disposition, la caution qui ne s'est engagée que pour un temps déterminé est libérée, si le créancier ne poursuit pas juridiquement l'exécution de ses droits dans les quatre semaines qui suivent l'expiration de ce temps et s'il ne continue ses poursuites sans interruption notable. La demanderesse soutient, au contraire, que ledit cautionnement a été donné pour un temps indéterminé, de sorte que la disposition citée est inapplicable en l'espèce. Tel est aussi l'avis exprimé par la cour cantonale.
Décider si un cautionnement a été donné pour un temps déterminé ou pour un temps indéterminé est une question d'interprétation (GIOVANOLI, Commentaire bernois, n. 10 ad
art. 510 CO
; PESTALOZZI, Commentaire bâlois, n. 11 ad
art. 510 CO
). Il convient donc de rappeler quelles sont les règles qui régissent l'interprétation des contrats, puis d'examiner la clause controversée à la lumière de ces règles.
2.
a) aa) Pour apprécier la forme et les clauses d'un contrat, le juge doit rechercher, dans un premier temps, la réelle et commune intention des parties (
art. 18 al. 1 CO
), le cas échéant empiriquement, sur la base d'indices; cette recherche débouchera sur une constatation de fait. S'il ne parvient pas à déterminer ainsi la volonté réelle des parties ou s'il constate qu'une partie n'a pas compris la volonté réelle manifestée par l'autre, le juge recherchera quel sens
BGE 125 III 435 S. 437
les parties pouvaient ou devaient donner, de bonne foi, à leurs manifestations de volonté réciproques (application du principe de la confiance); il résoudra ainsi une question de droit. Cette interprétation se fera non seulement d'après le texte et le contexte des déclarations, mais aussi d'après les circonstances qui les ont précédées et accompagnées (
ATF 122 III 106
consid. 5a, 420 consid. 3a;
ATF 121 III 118
consid. 4b/aa p. 123;
ATF 118 II 365
consid. 1).
bb) L'interprétation d'une clause insérée dans un contrat de cautionnement, s'agissant en particulier de déterminer la durée de l'engagement pris par la caution, suppose que l'on considère la spécificité de cette forme de garantie.
Le cautionnement se caractérise par sa nature accessoire: l'obligation de la caution dépend de l'existence et du contenu de la dette principale (
ATF 120 II 35
consid. 3a p. 37 et les arrêts cités). Le cautionnement ne peut exister que sur une obligation valable, laquelle peut aussi être future ou conditionnelle (
art. 492 al. 2 CO
). Conformément à la règle générale relative à l'extinction des accessoires de l'obligation (
art. 114 al. 1 CO
), lorsque l'obligation principale s'éteint par le paiement ou d'une autre manière, le cautionnement s'éteint également (
art. 509 al. 1 CO
). Par essence, une telle garantie est donc limitée dans le temps, puisqu'elle partage le sort de la dette principale.
Cependant, indépendamment de cette cause d'extinction du cautionnement, liée à la nature même du type de garantie en question, la durée du cautionnement peut être limitée par la loi ou les parties, sans égard à la dette garantie. C'est ainsi que la loi fixe une limite de vingt ans à la durée du cautionnement donné par une personne physique, sous réserve des exceptions qu'elle énumère (
art. 509 al. 2 CO
). Elle envisage, d'autre part, à l'
art. 510 al. 3 CO
précité, l'hypothèse dans laquelle la caution ne s'est engagée que pour un temps déterminé. Il s'agit du cas où l'obligation même de la caution est limitée conventionnellement dans le temps au moyen d'une date, d'une durée ou d'un terme objectivement déterminable (PESTALOZZI, ibid.; BECK, Das neue Bürgschaftsrecht, Kommentar, n. 29 ss ad
art. 510 CO
; OSER/SCHÖNENBERGER, Commentaire zurichois, n. 17 ad
art. 510 CO
; SCYBOZ, Le contrat de garantie et le cautionnement, in Traité de droit privé suisse, t. VII/2, p. 114; ENGEL, Contrats de droit suisse, p. 611). De ce cas de figure, il sied de bien distinguer celui où la limite temporelle concerne, non pas l'obligation de la caution, mais l'obligation cautionnée, en ce sens que seules les dettes susceptibles de naître durant un certain laps de temps seront garanties par le cautionnement (BECK, op.cit., n. 32 ad
art. 510 CO
; GIOVANOLI,
BGE 125 III 435 S. 438
ibid.). Dans cette seconde hypothèse, qui s'applique essentiellement aux obligations futures dont la naissance n'est pas certaine, en particulier à celles résultant de l'ouverture d'un crédit en compte courant (OSER/SCHÖNENBERGEr, ibid.; dans le même sens, en droit allemand, cf., parmi d'autres: STAUDINGER/HORN, Kommentar, 13e éd., n. 5 ad § 777 BGB), la caution répond sans limite de temps des dettes tombant, ratione temporis, sous le coup du cautionnement (cf. ATF 16 p. 434; SCYBOZ, op.cit., p. 114, note 6). Cette seconde hypothèse sort du champ d'application de l'
art. 510 al. 3 CO
(cf., mutatis mutandis: MünchKomm/Pecher, 3e éd., n. 2 ad § 777 BGB).
En cas de doute, le cautionnement est présumé avoir été donné pour un temps indéterminé, ce qui est conforme à sa fonction de garantie. Il appartient donc à la caution d'établir les circonstances propres à infirmer cette présomption (PESTALOZZI, ibid.; BECK, op.cit., n. 35 ad
art. 510 CO
).
b) La clause litigieuse du cautionnement souscrit par les défendeurs a la teneur suivante:
"L'engagement du (des) soussigné (s) restera en vigueur aussi longtemps qu'il existera un rapport d'affaires entre le débiteur principal et la Banque, et cela même si un crédit accordé devait être momentanément remboursé ou rester inutilisé pendant un certain temps."
Les juges précédents n'ont pas établi de volonté réelle des parties, quant à cette clause, de sorte que l'interprétation qu'ils en ont donnée peut être revue par la juridiction fédérale de réforme.
Selon les défendeurs, à la lecture de ladite clause, ils auraient compris et pouvaient comprendre de bonne foi que leur engagement, en tant que cautions solidaires, prendrait fin en même temps que le rapport d'affaires entre la demanderesse et la société débitrice. A les en croire, leur engagement se serait donc éteint le 24 décembre 1992, date du prononcé de la faillite de cette société. Semblable opinion ne résiste pas à l'examen. Ainsi, à suivre les défendeurs, la créancière aurait consenti d'avance à les libérer en cas de faillite de sa débitrice. Or, c'est justement pour écarter ce risque-là que la demanderesse avait exigé la souscription d'un cautionnement en sa faveur. Le cautionnement, faut-il le rappeler, a pour but de protéger le créancier contre le risque d'insolvabilité du débiteur. Aussi les défendeurs ne pouvaient-ils raisonnablement interpréter la clause litigieuse dans le sens d'une renonciation anticipée de la créancière à une telle protection. En réalité, pour saisir le sens de cette clause, il y a lieu de mettre en évidence la nature de l'obligation garantie en l'espèce. Le cautionnement souscrit par les défendeurs devait garantir le remboursement
BGE 125 III 435 S. 439
d'un crédit en compte courant octroyé à leur société. Dans le cautionnement d'un rapport de compte courant, la garantie porte sur le solde négatif (
ATF 120 II 35
consid. 5 et les références). Or, il n'était nullement exclu que, postérieurement à la signature de l'acte de cautionnement, le compte courant ne présentât plus de solde négatif à un moment donné en fonction de l'utilisation du crédit faite par la débitrice et des remboursements opérés par elle. Il n'y aurait alors plus eu de dette principale, fût-ce temporairement, et la question de l'extinction simultanée du cautionnement eût donc pu se poser, vu le caractère accessoire de cette forme de garantie (cf. BECK, op.cit., n. 41 in fine ad
art. 499 CO
). C'est donc manifestement pour ne pas devoir refaire un cautionnement dès que le solde du compte courant redeviendrait négatif que la demanderesse a fait insérer la clause susmentionnée dans l'acte de cautionnement. Le texte de celle-ci n'autorise pas une autre interprétation. Il s'est agi, dans l'intérêt de la Banque, de faire durer le cautionnement, nonobstant une absence passagère de dette principale. Quant aux termes "aussi longtemps qu'il existera un rapport d'affaires entre le débiteur principal et la Banque", y voir une limitation dans le temps de l'obligation des cautions reviendrait à réduire à néant l'effet protecteur de la garantie en cause, ce que n'a pu vouloir la demanderesse et que les défendeurs ne pouvaient pas non plus admettre de bonne foi dans les circonstances du cas particulier. Dûment interprété à la lumière des principes rappelés plus haut, ce membre de phrase signifie simplement que la garantie fournie par les défendeurs s'appliquera à toutes les dettes issues de la relation contractuelle entre la Banque et la débitrice principale, à l'exclusion de celles qui pourraient naître ultérieurement et qui ne découleraient pas de cette relation. En bref, la limitation stipulée en ces termes ne visait pas l'obligation des cautions, mais les dettes cautionnées; elle n'entre pas en ligne de compte en l'espèce, dès lors que ces dettes sont nées avant l'extinction du contrat de prêt liant la demanderesse et la débitrice principale.
3.
Il suit de là que l'
art. 510 al. 3 CO
, sur lequel les défendeurs fondent toute leur argumentation, est inapplicable en l'espèce, attendu que le cautionnement litigieux n'a pas été donné pour un temps déterminé. Le jugement attaqué, en tant qu'il condamne les défendeurs à honorer l'engagement qu'ils ont souscrit en faveur de la demanderesse, ne viole donc pas le droit fédéral.