Urteilskopf
140 V 227
31. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour de droit social dans la cause Office fédéral des assurances sociales contre FER-CIAM, Caisse d'allocations familiales (recours en matière de droit public)
8C_223/2013 du 10 avril 2014
Regeste
Art. 6 und 7 FamZG
; Anspruch auf Familienzulagen; Kumulation.
Das Verbot der Kumulation von Familienzulagen bei konkurrierenden Ansprüchen erwerbstätiger Ehepartner findet nur auf
gleichartige bundes- oder kantonalrechtliche
Zulagen Anwendung. Familienzulagen, die internationale Organisationen in der Schweiz mit Vorrechten und Immunitäten internationalen öffentlichen Rechts ihren Angestellten gewähren, fallen daher nicht unter dieses Verbot (E. 3.3).
A.
A., de nationalité néerlandaise, travaille au service de l'Union Européenne de X., à V. Son employeur est affilié à la Caisse d'allocations familiales interprofessionnelle de la Fédération des entreprises romandes FER-CIAM (ci-après: la caisse). Son épouse, B., également de nationalité néerlandaise, travaille au service de l'Organisation des Nations Unies (ONU) pour le Programme Y. Les époux sont domiciliés à T. Ils ont deux enfants, C. et D., nés respectivement en 2008 et 2011.
BGE 140 V 227 S. 228
Le 19 mai 2011, A. a présenté auprès de la caisse une demande d'allocations familiales pour ses enfants C. et D. Par décision du 19 septembre 2011, confirmée sur opposition le 17 novembre 2011, la caisse a refusé de lui allouer les allocations prétendues au motif que son épouse avait droit à des prestations familiales en sa qualité de salariée de l'ONU et qu'en conséquence le versement des allocations en cause conduirait à un cumul inadmissible.
B.
A. a recouru contre cette décision devant la Chambre des assurances sociales de la Cour de justice de la République et canton de Genève. Statuant le 31 janvier 2013, cette juridiction a partiellement annulé la décision du 17 novembre 2011 en ce sens que A. a droit à une allocation de naissance pour ses deux enfants. Elle a confirmé pour le surplus le refus de la caisse d'allouer au père les allocations familiales qu'il demandait.
C.
L'Office fédéral des assurances sociales (OFAS) exerce un recours en matière de droit public dans lequel il conclut principalement à l'annulation de l'arrêt cantonal et au renvoi de la cause à la caisse pour examen du droit aux allocations familiales de A. et fixation du montant de celles-ci.
A. n'a pas répondu au recours. La caisse s'en est remise à justice.
D.
La I
re
Cour de droit social du Tribunal fédéral a tenu une délibération publique le 10 avril 2013.
Le recours a été admis.
Extrait des considérants:
2.
La juridiction cantonale a constaté que tous les fonctionnaires de l'ONU qui remplissent les conditions voulues ont droit, à titre d'avantage social, à des indemnités forfaitaires pour enfants à charge, conformément au Statut et Règlement de l'Organisation. Ces indemnités sont versées à raison de la charge financière que représentent un ou plusieurs enfants et visent donc le même but que les allocations familiales. Aussi bien la Cour cantonale a-t-elle considéré que le droit aux allocations familiales pour les enfants de A. était ouvert tant en vertu du régime de l'ONU (en faveur de la mère) qu'en vertu du droit fédéral (en faveur du père). Aussi bien ce dernier ne pouvait-il prétendre de la caisse que le versement d'un complément différentiel, à savoir la différence entre les prestations servies par l'ONU et le montant qui serait dû en application de la
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réglementation suisse. Le Tribunal cantonal s'est inspiré de la réglementation en matière de cumul d'allocations familiales dans les relations entre la Suisse et les Etats de l'Union Européenne (art. 76 du Règlement [CEE]n° 1408/71 [RO 2004 121], remplacé par le Règlement [CE] n° 883/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale [RS0.831.109.268.1],entré en vigueur pour la Suisse le 1
er
avril 2012). Cependant, comme le père n'avait pas transmis toutes les informations relatives au montant des prestations versées à son épouse, il n'était pas possible de calculer le montant d'un éventuel complément différentiel. N'ayant pas satisfait à son devoir de collaborer, sa conclusion tendant au versement d'allocations familiales "genevoises" était d'emblée irrecevable. Il pouvait néanmoins prétendre une allocation de naissance pour chacun de ses deux enfants, sous réserve d'un éventuel cumul.
3.1
Sous le titre "Interdiction du cumul", l'art. 6 de la loi fédérale du 24 mars 2006 sur les allocations familiales (LAFam; RS 836.2), prévoit ceci:
Le même enfant ne donne pas droit à plus d'une allocation du même genre. Le paiement de la différence prévu à l'art. 7 al. 2, est réservé.
L'
art. 7 LAFam
instaure un ordre de priorité en cas de cumul de droits à des prestations familiales. Il est ainsi libellé:
Concours de droits
1
Lorsque plusieurs personnes peuvent faire valoir un droit aux allocations familiales pour le même enfant en vertu d'une législation fédérale ou cantonale, le droit aux prestations est reconnu selon l'ordre de priorité suivant:
a. à la personne qui exerce une activité lucrative;
b. à la personne qui détient l'autorité parentale ou qui la détenait jusqu'à la majorité de l'enfant;
c. à la personne chez qui l'enfant vit la plupart du temps ou vivait jusqu'à sa majorité;
d. à la personne à laquelle est applicable le régime d'allocations familiales du canton de domicile de l'enfant;
e. à la personne dont le revenu soumis à l'AVS et provenant d'une activité lucrative dépendante est le plus élevé;
f. à la personne dont le revenu soumis à l'AVS et provenant d'une activité lucrative indépendante est le plus élevé.
BGE 140 V 227 S. 230
2
Dans le cas où les allocations familiales du premier et du second ayants droit sont régies par les dispositions de deux cantons différents, le second a droit au versement de la différence lorsque le taux minimal légal est plus élevé dans son propre canton que dans l'autre.
3.2
La loi s'interprète en premier lieu selon sa lettre (interprétation littérale). Si plusieurs interprétations sont possibles, le juge recherche la véritable portée de la norme, en la dégageant de sa relation avec d'autres dispositions légales et de son contexte (interprétation systématique), du but recherché, singulièrement de l'intérêt protégé (interprétation téléologique), ainsi que de la volonté du législateur telle qu'elle ressort notamment des travaux préparatoires (interprétation historique;
ATF 131 III 623
consid. 2.4.4 p. 630,
ATF 131 III 314
consid. 2.2 p. 315 s.). Le sens que prend la disposition dans son contexte est également important (
ATF 131 II 361
consid. 4.2 p. 368;
ATF 130 II 65
consid. 4.2 p. 71). Lorsqu'il est appelé à interpréter une loi, le Tribunal fédéral adopte une position pragmatique en suivant une pluralité de méthodes, sans soumettre les différents éléments d'interprétation à un ordre de priorité (
ATF 133 III 257
consid. 2.4 p. 265).
3.3.1
Comme cela ressort du texte de l'
art. 6 LAFam
, l'interdiction du cumul s'applique aux allocations du "même genre". Sont visées les allocations énumérées à l'
art. 3 LAFam
, soit l'allocation pour enfant, l'allocation de formation professionnelle, ainsi que l'allocation de naissance et l'allocation d'adoption que les cantons peuvent prévoir dans leur régime d'allocations familiales (cf. THOMAS FLÜCKIGER, Koordinations- und verfahrensrechtliche Aspekte bei den Kinder- und Ausbildungszulagen, in Bundesgesetz über die Familienzulagen [FamZG], Schaffhauser/Kieser [éd.], 2009, p. 171 s.; KIESER/REICHMUTH, Bundesgesetz über die Familienzulagen, Praxiskommentar, 2010, n° 10 ad
art. 6 LAFam
). Comme le souligne le recourant, les indemnités versées par l'ONU à ses employés ne sont pas des allocations familiales au sens de la LAFam. Pour avoir droit aux allocations familiales selon cette loi, un salarié doit être au service d'un employeur assujetti à l'AVS ou, si son employeur n'est pas tenu de payer des cotisations selon l'
art. 6 LAVS
, être considéré comme salarié au sens de la législation fédérale sur l'assurance-vieillesse et survivants (
art. 11 al. 2 LAFam
). Or, il est constant que l'ONU, au bénéfice des privilèges et immunités applicables aux organisations internationales en Suisse, n'est pas tenue de payer des cotisations (voir l'Accord sur les privilèges et immunités de l'Organisation des
BGE 140 V 227 S. 231
Nations Unies conclu entre le Conseil fédéral suisse et le Secrétaire général de l'Organisation des Nations Unies des 11 juin/1
er
juillet 1946; RS 0.192.120.1). B. n'a pas non plus qualité de salariée au sens de l'
art. 11 al. 2 LAFam
. En effet, ne sont pas assurés les ressortissants étrangers qui bénéficient de privilèges et d'immunités, conformément aux règles du droit international public (
art. 1a al. 2 let. a LAVS
en corrélation avec l'
art. 1b RAVS
[RS 831.101] etl'art. 2 de la loi du 22 juin 2007 sur l'Etat hôte [LEH; RS 192.12]). On doit dès lors considérer que les indemnités versées à l'épouse ne sont pas des prestations d'un même genre au sens du droit fédéral et, partant, qu'elles ne sont pas visées par la règle anti-cumul de l'
art. 6 LAFam
.
3.3.2
On ajoutera que l'ordre de priorité fixé à l'
art. 7 LAFam
est indissociablement lié à la règle de l'interdiction du cumul posée à l'
art. 6 LAFam
, qu'il concrétise et dont il est le corollaire nécessaire. Or, le régime en cascade prévu à l'
art. 7 al. 1 LAFam
ne s'applique, comme l'indique son texte, qu'en cas de concours d'un droit aux allocations familiales en vertu d'une législation fédérale ou cantonale.
A contrario
, l'interdiction du cumul ne s'applique pas lorsque ces allocations entrent en concours avec des prestations qui sont allouées à un autre titre (dans ce sens également: UELI KIESER, Verbot des Doppelbezugs im neuen Familienzulagenrecht [Ressourceélectronique]: eine Auslegung von Art. 6 FamZG, Hill 2009 n° 3).
3.3.3
Cette interprétation littérale et systématique est corroborée par les travaux préparatoires de la loi. Dans son rapport initial du 20 novembre 1998 sur l'initiative parlementaire "Prestations familiales (Fankhauser)", la Commission de la sécurité sociale et de la santé publique du Conseil national (CSSS-N) avait prévu un art. 5 qui comportait deux alinéas. Le premier posait le principe de l'interdiction du cumul. Quant au second, il contenait une règle selon laquelle les allocations prévues n'étaient pas dues si le même enfant ouvrait droit à des prestations familiales en vertu d'une autre législation ou de rapports de service régis par le droit public international. De l'avis de la commission, cette règle visait à empêcher le cumul dans les relations avec d'autres Etats ou en rapport avec des réglementations de droit public international appliquées, p. ex., au niveau des organisations dépendant de l'ONU. La commission notait, à titre illustratif, que l'épouse d'un fonctionnaire international de l'ONU ne pouvait pas faire valoir un droit à l'allocation fédérale si son mari bénéficiait déjà d'une allocation versée par cette organisation (FF 1999 2942, plus spécialement 2953 s., 2976 ad art. 5). Dans son avis du 28 juin
BGE 140 V 227 S. 232
2000 sur ce rapport, le Conseil fédéral a relevé à ce propos que cette réglementation aboutirait à des cas de rigueur (p. ex. si le père de l'enfant travaille à l'étranger et a droit à une allocation moins élevée qu'en Suisse, la mère divorcée vivant en Suisse se verrait refuser toute prestation selon la législation fédérale, quand bien même elle exercerait une activité lucrative). En outre, la réglementation proposée ne répondait pas à la question de savoir quel Etat (ou institution) serait compétent pour verser les prestations (FF 2000 4422, plus spécialement 4432). Dans son rapport complémentaire du 8 septembre 2004, la CSSS-N a biffé l'alinéa 2 de son projet initial et proposé la version actuelle de l'
art. 6 LAFam
(FF 2004 6459, plus spécialement 6477), qui a finalement été adoptée sans discussion par les Chambres fédérales (BO 2005 CN 330, 2005 CE 717).
Il apparaît ainsi que le législateur a délibérément renoncé à une interdiction du cumul dans les cas où l'un des conjoints bénéficie d'une prestation à caractère familial versée par un Etat étranger ou une organisation internationale. Le Conseil fédéral a certes reçu la compétence de déterminer les conditions d'octroi des allocations pour les enfants vivant à l'étranger (
art. 4 al. 3 LAFam
; cf. art. 7 de l'ordonnance du 31 octobre 2007 sur les allocations familiales [OAFam; RS 836.21]). En revanche, le législateur n'a prévu aucune disposition qui permettrait de régler la coordination entre les allocations familiales selon la LAFam et les prestations versées à leurs employés par les organisations internationales en Suisse au bénéfice des privilèges et immunités du droit international public. S'il a renoncé volontairement à codifier une situation qui n'appelait pas nécessairement une intervention de sa part, son inaction équivaut à un silence qualifié qui ne requiert pas non plus une intervention du juge à l'aide d'un raisonnement par analogie, notamment par comparaison avec des règles de la coordination européenne (voir p. ex.
ATF 139 I 57
consid. 5.2 p. 60).
3.3.4
Le jugement attaqué cite l'art. 3A al. 2 de la loi cantonale genevoise du 1
er
mars 1996 sur les allocations familiales (LAF; RSG J 5 10), selon lequel les allocations prévues par cette loi ne sont pas dues si le même enfant ouvre droit à des prestations familiales en vertu d'une autre législation ou de rapports de service régis par le droit public interne ou international, sous réserve des articles 3B al. 2 et 3C al. 3. Cette disposition cantonale, qui correspond en partie au projet initial de la CSSS-N, n'est pas compatible avec le principe de la force dérogatoire du droit fédéral (
art. 49 al. 1 Cst.
; cf.
ATF 138 I 410
BGE 140 V 227 S. 233
consid. 3.1 p. 414 et les arrêts cités), lequel contient, on l'a vu, une réglementation exhaustive en matière de cumul et de priorité des droits.
4.
Vu ce qui précède, il résulte que A. a droit - sous réserve d'autres conditions non examinées ici - à une allocation familiale pour chacun de ses enfants, en plus de l'allocation de naissance qui lui a été reconnue par le jugement cantonal et qui n'est pas litigieuse. Le recours est ainsi bien fondé. Il appartiendra à la caisse, à qui la cause sera renvoyée, de rendre une nouvelle décision. (...)