Urteilskopf
150 III 257
27. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour de droit civil dans la cause A. AG contre B. SA (recours en matière civile)
4A_189/2022 du 22 mai 2024
Regeste
Vereinfachtes Verfahren bei Streitigkeiten aus Miete (
Art. 243 Abs. 2 lit. c ZPO
).
Wenn der Mieter den Mietvertrag kündigt, betrifft der allenfalls daraus resultierende Streit nur die finanziellen Folgen der Kündigung und fällt daher nicht unter den Kündigungsschutz des Mieters im Sinne von
Art. 243 Abs. 2 lit. c ZPO
. Das vereinfachte Verfahren (ohne Rücksicht auf den Streitwert) ist nicht anwendbar (E. 3.2 und 3.3).
A.a
B. SA (la bailleresse) et A. AG (la locataire) ont conclu un bail à loyer portant sur des locaux situés dans un centre commercial. La durée du bail était déterminée et s'étendait du 15 septembre 2011 au 30 septembre 2021. A compter du 1
er
octobre 2013, le loyer net de la surface de vente équivalait à 7 % du chiffre d'affaires de la locataire, mais au moins à 10'463 fr. par mois.
Le contrat était assorti d'une clause pénale prévoyant le paiement d'une peine conventionnelle de 500 fr. par jour en cas de violation de l'obligation d'exploitation assumée par la locataire, en particulier en cas de non-respect des heures d'ouverture du centre commercial.
A.b
En août 2017, la locataire s'est plainte auprès de la bailleresse de défauts affectant la chose louée: un certain nombre d'autres locataires ne respectaient pas les heures d'ouverture et plusieurs locaux commerciaux étaient restés vacants depuis longtemps, si bien que la fréquentation du centre en avait pâti significativement. Elle a réclamé une réduction de loyer et mis la bailleresse en demeure de remédier aux défauts avant le 1
er
octobre 2017, faute de quoi elle résilierait le contrat avec effet immédiat.
La bailleresse a contesté l'existence de défauts et n'a pas donné suite à un ultime délai fixé par la locataire.
Le 1
er
décembre 2017, la locataire a signifié à la bailleresse la résiliation extraordinaire du bail pour le 30 avril 2018, en la motivant par les défauts de la chose louée que constituaient les locaux vacants dans le centre commercial ainsi que le non-respect des horaires d'ouverture par d'autres locataires.
Elle cessera d'exploiter son commerce le 1
er
septembre 2018 et s'acquittera des loyers jusqu'au 30 septembre 2018, date à laquelle elle quittera définitivement les locaux.
B.a
Le 3 janvier 2018, la bailleresse a saisi la Commission de conciliation en matière de bail à loyer, en vain.
BGE 150 III 257 S. 259
Le 18 mai 2018, elle a porté la demande devant le Tribunal des baux de l'arrondissement de la Sarine, concluant à la constatation de la nullité - respectivement de l'inefficacité - de la résiliation extraordinaire, subsidiairement à son annulation et, en tout état de cause, à ce qu'il soit constaté que le bail était valable jusqu'au 30 septembre 2021.
Dans sa réplique du 27 septembre 2018 déposée après la fin de l'exploitation des locaux par la locataire, la bailleresse a introduit deux nouveaux chefs de conclusions, tendant, d'une part, à ce que la locataire soit condamnée au paiement d'une peine conventionnelle de 500 fr. par jour du 1
er
septembre 2018 au 30 septembre 2021 au plus tard pour non-respect de l'obligation d'exploitation prévue contractuellement et, d'autre part, au versement d'éventuels dommages et intérêts résultant de son départ anticipé.
Le procès a été conduit selon les règles de la procédure ordinaire.
B.b
Par arrêt du 13 septembre 2021, le Tribunal des baux a partiellement admis la demande. Il a constaté la nullité de la résiliation et, partant, la fin au 30 septembre 2021 du bail à durée déterminée; il a condamné la locataire à verser à la bailleresse une peine conventionnelle de 500 fr. par jour du 1
er
septembre 2018 au 30 septembre 2021.
B.c
Par arrêt du 11 mars 2022, la II
e
Cour d'appel civil du Tribunal cantonal de l'État de Fribourg a rejeté l'appel formé par la locataire.
C.
La locataire a interjeté un recours en matière civile, concluant principalement à l'irrecevabilité de la demande déposée le 18 mai 2018 et complétée le 27 septembre 2018, subsidiairement à son rejet dans la mesure de sa recevabilité, respectivement au caractère irrecevable de la conclusion en paiement d'une peine conventionnelle.
Elle faisait valoir en particulier que la procédure simplifiée aurait dû s'appliquer au litige.
Le Tribunal fédéral a rejeté le recours.
(résumé)
Extrait des considérants:
3.2
La recourante reproche à la cour cantonale d'avoir violé l'
art. 243 al. 2 let
. c CPC en appliquant les règles de la procédure ordinaire au litige né de la résiliation du bail de durée déterminée par la locataire pour défauts de la chose louée (
art. 259b let. a CO
).
BGE 150 III 257 S. 260
3.2.1
L'
art. 243 CPC
délimite le champ d'application de la procédure simplifiée. Sont concernées les affaires patrimoniales dont la valeur litigieuse ne dépasse pas 30'000 fr. (al. 1) et certaines contestations indépendamment de leur valeur litigieuse (al. 2), dont celles portant sur des baux à loyer ou à ferme d'habitations et de locaux commerciaux et sur des baux à ferme agricoles en ce qui concerne la consignation du loyer ou du fermage, la protection contre les loyers ou les fermages abusifs, la protection contre les congés ou la prolongation du bail à loyer ou à ferme (let. c).
Le Tribunal fédéral s'est prononcé à de nombreuses reprises sur la portée de l'
art. 243 al. 2 let
. c CPC. Dans l'arrêt le plus récent (
ATF 149 III 469
consid. 2), il a rappelé - et confirmé - la jurisprudence selon laquelle la notion de "protection contre les congés" figurant dans la disposition précitée (et à l'
art. 210 al. 1 let. b CPC
) doit être comprise dans une acception large eu égard au but visé de protection du locataire, lequel doit bénéficier de la procédure simplifiée - moins formelle et plus rapide (
art. 244 ss CPC
) - et d'une plus forte implication du juge par le biais de la maxime inquisitoire simple sans égard à la valeur litigieuse (
art. 247 al. 2 let. a CPC
) (consid. 2.2 et les arrêts cités; consid. 2.5). Selon cette jurisprudence, un litige relève de la "protection contre les congés" dès que le tribunal est amené à se prononcer sur la fin du bail, que ce soit, par exemple, en raison d'un congé ordinaire ou extraordinaire ou en raison de l'inexistence d'un rapport contractuel ou de l'expiration d'un contrat de bail de durée déterminée; peu importe que le juge ait été saisi par le locataire de conclusions en inefficacité, invalidité, nullité ou annulation à titre principal et/ou subsidiaire, respectivement en prolongation du bail, ou qu'il l'ait été par le bailleur de conclusions principales ou reconventionnelles en expulsion ou en constatation de la fin du bail (
ATF 142 III 690
consid. 3.1). Dans cette logique, même un litige sur l'annotation d'un bail au registre foncier prévue à l'
art. 261b CO
peut être soumis à la procédure simplifiée, dès lors que cette institution tend à protéger le locataire contre un congé émanant d'un futur propriétaire (
ATF 148 III 415
consid. 3.3 et 3.4).
Dans l'
ATF 149 III 469
, le Tribunal fédéral précise la notion de litige sur la fin du bail soumis à la procédure simplifiée. Confronté à un cas où une bailleresse faisait valoir des prétentions pécuniaires envers une locataire ayant quitté les lieux bien avant l'introduction de l'action, il relève qu'il ne suffit pas que le tribunal doive trancher préalablement au fond la question de savoir quand et sous quelle
BGE 150 III 257 S. 261
forme le bail a pris fin pour que la procédure simplifiée trouve à s'appliquer (consid. 2.6). En effet, lorsque le juge doit statuer exclusivement sur des prétentions pécuniaires résultant d'un bail déjà terminé, il ne s'agit pas de déterminer si et jusqu'à quand le locataire peut demeurer dans les locaux, de sorte que le litige ne relève pas de la protection du locataire contre les congés ou de la prolongation du bail au sens de l'
art. 243 al. 2 let
. c CPC. Au surplus, il manque en règle générale tant le rapport inégal entre les parties, typique dans le domaine de la protection contre les congés, que l'urgence à statuer, éléments qui justifient l'application à une cause, indépendamment de sa valeur litigieuse, de la procédure simplifiée, soit d'une procédure rapide et accessible aux laïcs (même arrêt consid. 2.5). En conclusion, la procédure simplifiée ne s'applique pas, sans égard à la valeur litigieuse comme l'
art. 243 al. 2 let
. c CPC le prévoit, aux demandes par lesquelles des prétentions pécuniaires sont élevées après la fin du bail et en dehors d'une procédure en consignation des loyers et fermages, en protection contre les loyers et fermages abusifs, en annulation du congé ou en prolongation du bail (même arrêt consid. 2.6).
3.2.2
Le même raisonnement prévaut lorsque le litige survient à la suite d'une résiliation notifiée par le locataire lui-même, que le bail soit de durée indéterminée ou déterminée. Dans ces cas-là, il ne s'agit pas pour le locataire d'obtenir une protection contre le congé. En effet, le juge ne doit pas déterminer si et jusqu'à quand le locataire peut demeurer dans les locaux, mais statue exclusivement sur les prétentions pécuniaires découlant de la résiliation; la question de savoir si et comment le bail a pris fin ne se pose alors qu'à titre préjudiciel. L'extension jurisprudentielle de la notion de "protection contre les congés" à la fin du bail est justifiée, rappelons-le, par le but de la norme: le locataire mérite une protection procédurale non pas uniquement dans les litiges relatifs à l'annulation du congé ou à la prolongation du bail envisagés aux art. 271 à 272d CO, mais, plus globalement, dans tous ceux qui l'exposent au risque de devoir quitter les locaux loués contre son gré dans un avenir proche ou plus lointain. Or, lorsque le congé émane du locataire lui-même, ce risque n'existe pas. Le locataire qui met un terme au contrat de son propre chef et cesse d'occuper les locaux n'a pas besoin d'être protégé contre la fin du bail. Si un litige naît à la suite de la résiliation, le preneur n'a dès lors pas à bénéficier de la procédure simplifiée comme l'
art. 243 al. 2 let
. c CPC le prévoit.
BGE 150 III 257 S. 262
3.3
En l'espèce, la locataire a résilié le bail à durée déterminée avec effet au 30 avril 2018, en invoquant les défauts de la chose louée (
art. 259b let. a CO
). Elle a cessé l'exploitation du commerce le 1
er
septembre 2018 et définitivement quitté les lieux au 30 septembre 2018, s'acquittant du loyer jusqu'à cette date. Seules sont donc litigieuses les conséquences financières de la résiliation anticipée en tant qu'elles concernent la période jusqu'à l'échéance du 30 septembre 2021, ce qui suppose d'examiner à titre préjudiciel la question du bien-fondé de la résiliation pour défauts de la chose louée.
La valeur litigieuse dépassant largement 30'000 fr. (cf.
art. 243 al. 1 CPC
), c'est à raison que le procès a été conduit en première instance selon les règles de la procédure ordinaire, comme la cour cantonale l'avait confirmé. Le grief tiré d'une violation de l'
art. 243 al. 2 let
. c CPC doit être d'emblée écarté.