BGE 90 II 1 vom 24. Januar 1964

Datum: 24. Januar 1964

BGE referenzen:  118 II 168, 130 III 550

Quelle: bger.ch

Urteilskopf

90 II 1


1. Arrêt de la IIe Cour civile du 24 janvier 1964 dans la cause Hurni c. Büchi et consorts.

Regeste

Bäuerliches Erbrecht. Hat ein Landwirt letztwillig verfügt, die von ihm hinterlassenen Liegenschaften seien gleichmässig unter seine Kinder zu teilen, so ist dadurch die Anwendung der Regeln des bäuerlichen Erbrechtes ausgeschlossen (Erw. 2).
Beansprucht einer der Erben die ungeteilte Zuweisung eines landwirtschaftlichen Gewerbes zum Ertragswert, so ist dieses Begehren gegenüber allen Miterben geltend zu machen, so dass sie dazu Stellung nehmen können (Erw. 1).

Sachverhalt ab Seite 1

BGE 90 II 1 S. 1

A.- Les époux Jacob et Lina Hurni-Guggisberg ont eu six enfants, à savoir Jacob, à Estavayer-le-Lac, Rosa Büchi, à Winterthour, Albert, à Berne, Ernest, à Gex
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(France), Frédéric, à Chartres (France) et Hermann, à Genève. Le mari était propriétaire d'un domaine agricole formé de plusieurs parcelles, d'une surface totale d'environ 27 poses ou 10 ha, situé sur le territoire des communes d'Estavayer-le-Lac, Sevaz et Seiry. La taxe cadastrale des immeubles est de 28 835 fr. pour la terre et 54 000 fr. pour le bâtiment.
Jacob Hurni père est décédé le 25 novembre 1948 à Estavayer-le-Lac. Il a laissé un testament olographe rédigé le 15 juin 1948, dans lequel il a ordonné que sa succession fût partagée également entre ses six enfants, de façon que chacun d'eux reçoive notamment un sixième des immeubles, et que sa femme jouît d'un usufruit viager sur ses biens. Dame Hurni est décédée à son tour le 18 mai 1953.

B.- Le 11 avril 1957, Rosa Büchi introduisit une action en partage. Elle réclamait un sixième des biens laissés par son père, selon le testament rédigé par le défunt, en alléguant que les immeubles étaient du terrain à bâtir.
Jacob et Hermann Hurni soutinrent dans leur réponse que le testament était nul et que les immeubles formaient une exploitation agricole. Ils conclurent à ce qu'elle fût attribuée à Jacob, qui exploitait le domaine depuis de nombreuses années, à la valeur de rendement.
Ernest Hurni demanda le partage en nature du domaine agricole; il admettait cependant, pour éviter le morcellement, que l'exploitation fût attribuée à son frère Jacob pour une valeur de 120 000 fr. environ.
Frédéric et Albert Hurni n'ont pas procédé. Ils se sont contentés d'écrire qu'ils ne s'opposaient pas à ce que leur frère Jacob obtienne l'attribution du domaine à la valeur de rendement; Albert a articulé le chiffre de 75 000 fr., qu'il estimait raisonnable.
Les experts commis en première instance admirent que les immeubles et bâtiments laissés par Jacob Hurni père formaient une exploitation agricole au sens de l'art. 620 CC, qu'ils ne pouvaient être utilisés comme terrain à bâtir
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et que la valeur de rendement s'élevait à 60 500 fr. De son côté, l'office d'estimation de l'Union suisse des paysans, à Brougg, avait fixé la valeur de rendement à 56 100 fr.
Le 20 mai 1960, le Tribunal civil de l'arrondissement de la Broye prononça la nullité du testament, arrêta la valeur de rendement de l'exploitation agricole à 60 500 fr. et se déclara incompétent pour statuer sur son attribution.
Rosa Büchi et Ernest Hurni appelèrent de ce jugement. Il résulte d'une nouvelle expertise ordonnée en seconde instance que la plupart des parcelles peuvent être considérées comme du terrain à bâtir.
Statuant le 10 juillet 1963, la Cour d'appel du Tribunal cantonal de l'Etat de Fribourg ordonna que la succession de feu Jacob Hurni père fût partagée entre ses six enfants par parts égales, conformément au testament du 15 juin 1948. Elle estime qu'au jour de son arrêt, les immeubles laissés par feu Jacob Hurni étaient dans leur majeure partie du terrain à bâtir. Cela concerne en tout cas neuf parcelles, dont la valeur totale s'élève à 556 088 fr., à raison d'une valeur au m2 variant de 5 à 25 fr. Quant aux six autres parcelles, leur superficie totale est de 27 485 m2 ou 7,63 poses fribourgeoises. Même si elles avaient encore un caractère agricole - ce qui est douteux pour certaines d'entre elles - ces parcelles ne suffiraient pas pour former une exploitation agricole viable et offrant des moyens d'existence qui assurent l'entretien d'une famille paysanne.

C.- Jacob et Herman Hurni recourent en réforme au Tribunal fédéral. Ils concluent au rejet de la demande de partage formée par Rosa Büchi et Ernest Hurni, à l'annulation du testament de leur père et au renvoi de la cause à l'autorité cantonale pour qu'elle prononce l'attribution du domaine agricole paternel à Jacob Hurni, conformément à l'art. 620 CC.
Ernest Hurni et Rosa Büchi concluent au rejet du recours.
Albert Hurni, qui n'a pas déposé de mémoire, a déclaré
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verbalement à l'audience qu'il demandait la confirmation de l'arrêt cantonal.
Frédéric Hurni s'est exprimé par lettre dans le même sens.

Erwägungen

Considérant en droit:

1. L'héritier qui demande le partage de la succession du défunt doit citer comme défendeurs tous ses cohéritiers qui s'opposent à sa requête; en revanche, le droit fédéral n'exige pas qu'il fasse assigner ceux qui se sont déclarés d'accord avec le partage (RO 86 II 455 consid. 3). Toutefois, lorsque l'un des héritiers requiert l'attribution d'immeubles selon les règles du droit successoral paysan, tous ses cohéritiers doivent être appelés, en vertu du droit fédéral, à se déterminer sur la demande. La forme dans laquelle ils sont entendus est fixée par la procédure cantonale (RO 72 II 346, lettre a, 74 II 220, consid. 1, 75 II 198, consid. 1).
En l'espèce, les prescriptions fédérales ont été observées, puisque tous les héritiers du défunt sont parties au procès. La Cour cantonale a reconnu avec raison cette qualité même aux deux consorts défaillants. Comme l'arrêt de la Cour d'appel fribourgeoise, celui du Tribunal fédéral produira des effets à l'égard des six enfants de feu Jacob Hurni, qu'ils aient procédé ou non devant la juridiction de réforme.

2. Ayant admis que les biens-fonds laissés par feu Jacob Hurni ne formaient pas un domaine agricole au sens de l'art. 620 CC, la juridiction cantonale ne s'est pas prononcée sur la validité de la disposition testamentaire par laquelle le défunt avait ordonné le partage de ses immeubles en six parts égales. L'art. 608 CC permet au disposant de prescrire des règles pour le partage de sa succession, qui sont obligatoires pour ses héritiers. Mais l'art. 620 CC prévoit que, s'il existe parmi les biens à partager une exploitation agricole constituant une unité économique et offrant des moyens d'existence suffisants
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pour assurer l'entretien d'une famille paysanne, cette exploitation est attribuée entièrement à celui des héritiers qui le demande et qui paraît capable de se charger de l'entreprise; le prix en est fixé à la valeur de rendement et s'impute sur la part de l'héritier.
a) Avant la revision partielle du droit successoral paysan qui résulte de la LDDA, entrée en vigueur le 1er janvier 1947, le propriétaire d'un domaine agricole conservait la liberté de disposer pour cause de mort en liant ses héritiers par une règle de partage fondée sur l'art. 608 CC, même sans désigner celui de ses successeurs à qui les immeubles seraient attribués (TUOR, Ire éd., 1929, supplément, p. 1093; ESCHER, 2e éd., 1943, n. 4 ad art. 620 CC ancien; l'arrêt publié au RO 50 II 459 ss., 463 ne tranche pas la question, mais interdit au testateur de prescrire l'aliénation du domaine de façon à en priver l'héritier qui, de par la loi, serait fondé à le recevoir à la valeur de rendement).
b) Le législateur a entrepris la revision partielle dans le dessein de rendre le droit successoral paysan impératif. Quelques auteurs ont invoqué le but et la genèse de la loi pour affirmer que seules demeuraient valables les règles de partage qui n'empêchaient pas l'attribution en entier de l'exploitation à un requérant capable, et cela pour un prix n'excédant pas la valeur de rendement (TUOR/DESCHENAUX, Le Code civil suisse, 2e éd. française, p. 395; LIVER, Die Änderungen am bäuerlichen Erbrecht des ZGB, Festschrift Tuor, p. 76-83, notamment 82; A. JOST, Die Unteilbarkeit des Bauerngutes, RSJ 45 (1949) 84/6). D'autres estimaient que le disposant conservait intacte sa liberté de tester quant au partage de l'exploitation agricole (K. FEHR, Das neue bäuerliche Erbrecht, RJB 82 (1946) p. 17 ss., 21) ou laissaient à la jurisprudence le soin de résoudre la question (ESCHER, 2e éd., appendice, p. 438, qui relève que l'intention nettement exprimée par le législateur de restreindre sur ce point la liberté du testateur ne peut guère être déduite du texte de la loi; O. K. KAUFMANN,
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Das neue ländliche Bodenrecht der Schweiz, p. 266/7; A. COMMENT, Le droit successoral paysan, RJB 90 (1954) p. 344).
c) Appelé à trancher un litige opposant la veuve du propriétaire d'une exploitation agricole, mort sans enfant, laquelle se prévalait du testament rédigé en sa faveur, à la soeur du défunt, qui invoquait le droit successoral paysan, le Tribunal fédéral a donné raison à la première. Il a constaté que la seule modification apportée au texte de l'art. 620 CC était le remplacement, dans le texte allemand, du verbe "soll" par "ist", tandis que les textes français et italien ne subissaient aucun changement. Cette faible nuance ne saurait faire échec au principe selon lequel les règles de partage ordonnées par le disposant sont obligatoires pour les héritiers (art. 608 CC). Si le législateur voulait déroger sur ce point à la liberté de tester, il aurait dû exprimer clairement son intention dans le texte légal lui-même. Comme il ne l'a pas fait, force est de conclure que la revision partielle du droit successoral paysan n'a rien modifié au rapport entre l'art. 608 et les art. 620 ss. CC (RO 80 II 208, confirmé dans les motifs de l'arrêt publié au RO 81 II 593 ss., 596).
d) Plusieurs auteurs ont approuvé cette jurisprudence (GUHL, RJB 92 (1956) p. 99/100; K. FEHR, Die Testierfreiheit im bäuerlichen Erbrecht, RSJ 51 (1955) p. 217-224). D'autres professent des opinions plus nuancées. Ainsi, BOREL/NEUKOMM estiment difficile d'affirmer que le texte finalement adopté par les Chambres est impératif en ce sens qu'il restreindrait la liberté de tester; le disposant devrait cependant, à leur avis, "s'en tenir aux buts généraux ancrés actuellement dans la législation relative à la propriété foncière rurale"; l'attribution intégrale de l'exploitation agricole à la valeur de rendement figurerait, en partie du moins, au nombre des règles établies dans l'intérêt de l'ordre public et des moeurs que mentionne l'art. 2 Tit. fin. CC; une disposition pour cause de mort qui rendrait illusoires les buts principaux visés par l'art. 620 CC devrait être considérée comme un abus de droit au sens
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de l'art. 2 CC; il faut donc apprécier chaque fois la valeur de la disposition ordonnée par le défunt (Le droit successoral paysan, 4e éd., p. 51/2 ss.) A cela K. FEHR a répondu pertinemment que l'art. 2 Tit. fin. est une norme transitoire et que l'application de l'art. 2 CC requiert une violation des règles de la bonne foi; en outre, la validité d'une disposition pour cause de mort ne saurait dépendre du but visé par son auteur, à moins que la disposition ne soit contraire aux moeurs, et partant annulable selon l'art. 519 ch. 3 CC (op. cit., p. 220). De son côté, A. JOST prétend que l'arrêt publié au RO 80 II 208 s'applique seulement à la règle de partage attribuant l'exploitation agricole à un héritier; il ne résoudrait pas la question de savoir si la liberté de tester n'a subi aucune restriction quant au morcellement des immeubles agricoles (cf. art. 616 CC), ni quant au prix à fixer selon la valeur de rendement (Der Erbteilungsprozess ..., p. 140; contra: K. FEHR, RSJ 51 (1955) p. 222). Pour sa part, G. BOUVERAT estime qu'en dépit de l'arrêt précité, l'art. 620 CC est en principe une disposition impérative à l'égard du testateur; il appartient à la doctrine et à la jurisprudence de fixer dans chaque cas la portée du principe; en particulier, la règle de partage qui a pour effet la division des immeubles n'est valable que si la séparation d'une parcelle ne porte pas atteinte à l'unité économique de l'exploitation agricole (De la liberté de disposer d'un domaine agricole ..., thèse Fribourg 1957, p. 75 et 91). Enfin, dans la dernière édition de son commentaire, ESCHER admet qu'on ne peut guère inférer du texte légal une restriction à la liberté de disposer; il n'exprime pas une opinion bien nette à propos de la règle de partage ordonnant le morcellement de l'exploitation (3e éd., n. 10 et 14 ad art. 620 nouveau CC).
e) La jurisprudence ne saurait adopter, sans appui suffisant dans le texte légal et au mépris de la sécurité du droit, les distinctions proposées par une partie de la doctrine. Les considérants de l'arrêt reproduit au RO 80 II 208 ss., rappelés plus haut, demeurent pleinement valables. Ils s'appliquent à toutes les règles de partage
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ordonnées par le testateur, qu'elles aient pour objet l'attribution du domaine à un héritier, le morcellement de l'exploitation ou la valeur à laquelle elle doit être portée en compte. La liberté de tester n'est restreinte en aucune manière par le droit successoral paysan en vigueur. Cela est si vrai qu'on a proposé, de lege ferenda, une disposition expresse selon laquelle les descendants capables de se charger de l'exploitation ne peuvent en être privés par une disposition testamentaire ou un pacte successoral (art. 620 al. 4 CC figurant dans l'avant-projet V concernant la revision de la loi sur la propriété foncière rurale; cf. A. COMMENT, Vers la revision du droit foncier rural, Revue suisse du notariat et du registre foncier, 1963, p. 321 ss., 327).

3. En l'espèce, feu Jacob Hurni a ordonné le partage de ses immeubles en six parts égales qui doivent être attribuées à chacun de ses six enfants. Sa disposition pour cause de mort exprime la volonté de préférer l'égalité entre ses descendants à l'application du droit successoral paysan. Aucune circonstance résultant des faits constatés par la Cour cantonale ne permet de penser que le défunt aurait abusé de son droit de tester d'une façon contraire aux règles de la bonne foi. La disposition testamentaire est donc pleinement valable.
La succession devant être partagée selon la volonté exprimée par le testateur, il n'est pas nécessaire d'examiner si les immeubles qu'elle comprend forment une exploitation agricole au sens de l'art. 620 CC et de la jurisprudence, ou s'ils doivent être considérés, du moins dans leur majeure partie, comme des terrains à bâtir, selon l'opinion des juges d'appel fribourgeois. De toute manière, en effet, la décision attaquée serait confirmée dans son résultat.

Dispositiv

Par ces motifs, le Tribunal fédéral
Rejette le recours et confirme l'arrêt rendu le 10 juillet 1963 par la Cour d'appel du Tribunal cantonal de l'Etat de Fribourg.

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