Urteilskopf
92 II 328
49. Arrêt de la Ire Cour civile du 20 décembre 1966 dans la cause Croset contre Nafzger.
Regeste
Art. 107 OR
.
Der Rücktritt vom Vertrag ist unzulässig, wenn der Schuldner bereits erfüllt hat (Erw. 1).
Art. 375 OR
.
1. Voraussetzungen der Anwendbarkeit der Bestimmung: Vereinbarung eines ungefähren Kostenansatzes, unverhältnismässige Überschreitung desselben (Erw. 2).
2. Beim Fehlen eines ungefähren Kostenansatzes, also ausserhalb des Rahmens des
Art. 375 OR
, besteht keine allgemeine Anzeigepflicht des Unternehmers.
Kann er jedoch bei Anwendung der üblichen Sorgfalt feststellen, dass dem Besteller das Missverhältnis zwischen dem Preis und dem erhofften Vorteil nicht bewusst ist, so weiss er, dass der Partner den Vertrag auf Grund einer unzutreffenden Vorstellung über einen wesentlichen Umstand abschliesst. Er ist deshalb verpflichtet, diesen Irrtum zu beheben, ansonst er Gefahr läuft, dass der Besteller sich auf Unverbindlichkeit des Vertrages beruft (
Art. 24 Abs. 1 Ziff. 4 OR
).
Es trifft ihn ferner eine culpa in contrahendo, wenn er den von ihm erkannten Irrtum der Gegenpartei in bezug auf einen Umstand, den er kennt oder kennen muss, nicht behebt (Erw. 3). Anwendung dieses Grundsatzes auf den vorliegenden Fall (Erw. 4).
A.-
En 1960, John Croset confia au garagiste Jean-Pierre Nafzger la réfection générale d'un vieux camion qu'il avait acheté au prix de 800 fr. pour son entreprise de transports. C'était un ouvrage important: remise en état, aménagement d'une cabine fermée et d'un fond plat. Croset savait qu'il fallait remplacer une grande partie des pièces mécaniques et de l'installation électrique; il laissa entendre qu'il n'y avait pas urgence.
Nafzger avait commandé des pièces et des fournitures et effectué divers travaux (dont le réalésage du moteur et la revision de l'embrayage et des amortisseurs) lorsque Croset le chargea, en 1962 ou en 1963, de transformer le véhicule en une déménageuse-tapissière. En acceptant, le garagiste déclara que le "travail d'aménagement" coûterait 8000 fr. environ. Un devis plus précis ne fut pas établi.
Le 29 février 1964, Nafzger s'engagea à terminer l'ouvrage pour fin avril. A plusieurs reprises, il demanda des instructions, qu'il ne reçut pas. Le 10 août, Croset lui fixa un ultime délai, expirant le 31 août, pour livrer la déménageuse "expertisée".
Invité au début de septembre à présenter le véhicule à l'expertise officielle, Nafzger exigea que du moins un acompte de 4000 fr. lui fût d'abord versé. Le 4 septembre, Croset se départit du contrat.
Le 31 août précédent, l'ouvrage était achevé et correctement exécuté, sous réserve de travaux de finition qui exigeaient des instructions du maître: emplacement de la roue de secours, du chauffage, du réservoir à essence et du siège du passager; sans ce dernier, le permis de circulation ne pouvait être obtenu.
B.-
Le 4 septembre 1964, Croset a assigné Nafzger devant la Cour civile du Tribunal cantonal vaudois en paiement de 9680 fr. à titre de dommages-intérêts. Le défendeur a réclamé reconventionnellement, outre une somme de 316 fr. 85 qui ne concernait pas le camion, le solde impayé de sa facture du 1er octobre (13 889 fr. 60 sur 17 902 fr. 10). Celle-ci est justifiée à dire d'expert.
Le 17 mai 1966, la Cour civile a rejeté la demande principale; elle a condamné Croset à payer 8900 fr. au défendeur, dont elle a réduit la facture de 30% en application de l'art. 375 CO.
C.-
Agissant par la voie du recours en réforme, le demandeur prie le Tribunal fédéral de lui allouer 7995 fr. 65. Par recours joint, le défendeur persiste à réclamer 14 206 fr. 45.
Considérant en droit:
1.
Selon l'art. 107 CO, applicable au contrat d'entreprise (RO 46 II 251 consid. 2), le recourant ne pouvait se départir du contrat que faute d'exécution le 31 août 1964, à l'expiration du délai fixé en vertu de cette disposition. Or, à cette date, l'ouvrage était terminé et correctement exécuté, sous réserve des travaux de finition qui n'avaient pu être achevés faute d'instructions. L'intimé avait donc respecté dans la mesure du possible la mise en demeure signifiée le 10 août. Le contrat ne l'obligeait pas à soumettre le véhicule à l'expertise officielle. Au demeurant, le permis de circulation n'eût pas été délivré en l'absence du siège du passager; or cette carence est due au refus du recourant de donner les directives nécessaires.
On ne saurait dès lors fonder une indemnité sur la résolution du contrat. Il n'y a pas lieu non plus d'allouer des dommagesintérêts moratoires en application de l'art. 103 CO. Si l'intimé était en demeure dès la fin d'avril 1964, par la seule expiration du terme fixé le 29 février, encore fallait-il que le recourant formât une prétention du chef du retard. Or tout au plus a-t-il allégué l'immobilisation, avant la fin d'avril 1964, d'un camion utilisé à la place du véhicule en réparation.
2.
Lorsque, comme en l'espèce, le prix de l'ouvrage n'a pas été fixé d'avance à forfait, il est déterminé d'après la valeur du travail et les dépenses de l'entrepreneur (art. 374 CO). Aussi bien le recourant doit-il payer la facture de l'intimé, justifiée à dire d'expert et selon les premiers juges. Ceux-ci l'ont néanmoins réduite de 30% en vertu de l'art. 375 CO. Aux termes de cette disposition, lorsque le devis approximatif arrêté avec l'entrepreneur se trouve, sans le fait du maître, dépassé dans une mesure excessive, le maître a le droit, soit pendant, soit après l'exécution, de se départir du contrat (al. 1).
a) L'application de l'art. 375 CO suppose d'abord que les parties sont convenues d'un devis approximatif. En l'espèce, deux tâches furent successivement confiées à l'intimé: en 1960, des travaux mécaniques et de carrosserie (remise en état et aménagement d'une cabine fermée et d'un fond plat); en 1962 ou en 1963, la transformation du véhicule en une déménageuse
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tapissière, en modification de l'instruction précédente relative à la carrosserie. Sitôt après avoir constaté l'acceptation de cette seconde mission, le jugement déféré ajoute que l'intimé estima le "travail d'aménagement" à 8000 fr. environ. Ce devis ne saurait concerner que la seconde étape des travaux, d'autant que la réponse le précisait. La première condition posée par l'art. 375 CO n'est ainsi réalisée que pour une partie de l'ouvrage.
Encore l'application de cette disposition ne se justifierait-elle que si le devis approximatif avait été dépassé dans une mesure excessive. Le jugement déféré l'admet sur la base d'une comparaison boiteuse: il confronte la facture globale et le devis partiel, le dépassement étant excessif "même tenu compte des travaux faits avant la transformation du camion en déménageuse". Mais le devis concernait une tâche déterminée, non les opérations effectuées après une certaine date; et les montants qui constitueraient les termes exacts de la comparaison n'ont été ni allégués de façon précise (car le recourant conteste tout devis), ni prouvés, ni constatés. Au demeurant, la différence entre le devis et la facture paraît correspondre au coût normal des travaux mécaniques et de l'installation électrique, d'une part, celui des aménagements de la carrosserie antérieurs à la seconde commande, d'autre part. Loin d'être excessive, elle s'explique donc - et se justifie - aisément.
b) ...
3.
Certains auteurs, il est vrai, permettent au maître de l'ouvrage, sans résoudre le contrat, de prétendre contre l'entrepreneur en faute une indemnité qui, par compensation, a pour effet de réduire le prix (OSER/SCHÖNENBERGER, nos 8 à 10 ad art. 375 CO, qui invoque deux thèses: CASTELBERG, Die rechtliche Bedeutung des Kostenansatzes beim Werkvertrag nach schweizerischem Obligationenrecht, Fribourg 1917, p. 69/70; BOLLAG, Die kontraktliche Haftung des Architekten, Bäle 1932, p. 104 sv.). L'entrepreneur violerait ses obligations lorsqu'il n'attire pas l'attention du maître de l'ouvrage - qui n'en est pas conscient - sur un dépassement prévisible du devis approximatif, ou même simplement sur l'importance des frais qu'il devra supporter.
a) On ne saurait se rallier à cet avis dans la mesure où il suppose un devoir général de renseigner le maître, même en l'absence d'un devis approximatif, soit hors du cadre de l'art. 375 CO. La fixation du prix, à laquelle on ne peut toujours
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procéder d'avance, n'est pas un élément nécessaire du contrat d'entreprise. Pour éviter une surprise, le maître a la faculté de convenir d'une détermination forfaitaire ou de demander un devis approximatif. S'il n'en use pas, il ne paiera que la valeur normale du travail, appréciée objectivement (art. 374 CO). Seule dès lors l'ampleur imprévue des travaux peut lui causer un désagrément, contre lequel il se prémunira précisément en exigeant un devis approximatif. C'est à lui d'aviser. Les art. 364 et 365 al. 3 CO, relatifs à l'exécution, n'obligent pas l'entrepreneur à le renseigner sur le coût de l'ouvrage, devoir qui ne saurait concerner que les conditions de la conclusion du contrat.
Certes, lorsque, d'emblée ou en cours d'exécution, l'importance et le coût d'une réparation se révèlent sans proportion avec la valeur de l'objet confié, même remis en état, et avec l'intérêt que le maître porte à sa chose, l'entrepreneur sérieux ne commencera pas ou ne poursuivra pas sans autre le travail s'il peut se rendre compte que son partenaire n'a pas conscience de cette circonstance. En effet, celui-ci n'entend d'ordinaire engager que des frais raisonnables, sauf pour les objets auxquels il est spécialement attaché. Cette attitude, commune, constitue un élément qu'il faut nécessairement considérer lors de la conclusion du contrat. Si l'entrepreneur peut, en usant de la diligence habituelle, constater que le maître ignore la disproportion entre le prix et l'avantage escompté, il sait que son partenaire s'engage sur la base d'une représentation inexacte d'un fait essentiel. Il lui incombe de dissiper cette erreur, sous peine de courir le risque que le maître invoque l'invalidité du contrat (art. 24 al. 1 ch. 4 CO) et ne soit tenu qu'à concurrence de son enrichissement. Mais au-delà, il n'assume pas d'obligation juridique de renseigner le maître, obligation dont la violation délierait celui-ci du paiement du prix.
b) L'entrepreneur répond, il est vrai, d'une éventuelle "culpa in contrahendo". En vertu des règles de la bonne foi, chacun des contractants assume, dès le moment où il entame des pourparlers, l'obligation de renseigner son partenaire, dans une certaine mesure, sur les circonstances propres à influencer sa décision de conclure le contrat et de le conclure à certaines conditions. Une partie qui ne respecte pas cette obligation répond de ce chef non seulement lorsqu'elle a agi astucieusement, mais déjà lorsque son attitude a été de quelque manière
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fautive. Assurément, le devoir d'information ne concerne pas les circonstances que l'autre partie est censée connaître elle-même. On doit toutefois redresser l'erreur qui porte sur un fait que l'on connaît ou que l'on doit connaître, si l'on s'aperçoit que le partenaire se fait une idée inexacte des prestations respectives ou de l'ampleur de son propre engagement (RO 90 II 455 consid. 4, et les références). Il n'existe pas en revanche un devoir général de le renseigner sur tous les éléments essentiels du contrat (MERZ, nos 270 et 271 ad art. 2 CC).
4.
Il suit de là que le maître peut, faute d'avoir été renseigné par l'entrepreneur, invoquer sous la même condition la responsabilité du chef d'une "culpa in contrahendo" et son erreur sur un fait que la loyauté commerciale lui permettait de considérer comme un élément essentiel du contrat; l'effet seul diffère: la nullité pour cause d'erreur d'une part, une indemnité d'autre part.
Cette condition n'est pas réalisée en l'espèce. Le recourant n'a demandé qu'un devis partiel. Bien que ses connaissances en mécanique automobile ne lui permissent pas d'apprécier le prix global, il savait néanmoins qu'il confiait des travaux importants et coûteux, nécessaires à la remise en état du véhicule, et que le garagiste devait changer une grande partie des pièces mécaniques et de l'installation électrique. S'il acceptait de payer environ 8000 fr. pour transformer la carrosserie, il pouvait s'attendre à engager une dépense du même ordre de grandeur pour rendre utilisable un vieux camion acheté 800 fr. et le pourvoir d'organes techniques dont la solidité et la perfection justifiassent les frais de carrosserie. Du moins l'entrepreneur était-il en droit de le penser.
Au demeurant, encore fallait-il, pour fonder l'action sur une responsabilité du chef de la "culpa in contrahendo", qu'un dommage fût établi. Or le recourant à qui incombait cette preuve n'a pas allégué un préjudice. On ne saurait s'en remettre à l'appréciation de la Cour cantonale, qui a fixé le dommage "ex aequo et bono" à 30% de la facture. Comme il était facile d'établir la valeur réelle du camion réparé, d'autant qu'un expert avait été commis, les juges du fait ne pouvaient statuer en application de l'art. 42 al. 2 CO (RO 84 II 11 consid. 2, 89 II 219 consid. 5 b). La carence du recourant s'explique par le fait que son action repose en entier sur la résolution du contrat en raison de la demeure du débiteur, non sur un
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dommage causé par une "culpa in contrahendo" de l'entrepreneur. Un renvoi à la Cour cantonale serait inutile, car il ne lui sera pas possible d'administrer des preuves nouvelles, faute d'allégations et d'offres de preuves sur le point décisif.
Par ces motifs, le Tribunal fédéral:
Rejette le recours principal et, admettant le recours joint, alloue au défendeur la somme de 14 206 fr. 45.