Urteilskopf
117 IV 401
68. Extrait de l'arrêt de la Cour de cassation pénale du 20 décembre 1991 dans la cause M. c. Procureur général du canton de Genève (pourvoi en nullité)
Regeste
Art. 269, 275 Abs. 5 und 277ter BStP
; Konnexität der staatsrechtlichen Beschwerde mit der Nichtigkeitsbeschwerde, kassatorische Natur.
Die Aufhebung des angefochtenen Entscheids im Verfahren der staatsrechtlichen Beschwerde führt nicht notwendig zur Gegenstandslosigkeit der parallel dazu eingereichten Nichtigkeitsbeschwerde (E. 2).
Art. 63 StGB
. Strafzumessung; einheitliche Anwendung des Bundesrechts.
Sehr harte, im Hinblick auf den äusserst weiten gesetzlichen Strafrahmen ungenügend begründete Strafe (E. 4).
A.-
Le 11 octobre 1989, la Cour d'assises du canton de Genève a reconnu M. coupable de trois viols et l'a condamné à une peine de quinze ans de réclusion ainsi qu'à l'expulsion à vie du territoire suisse.
Les faits retenus à sa charge sont en bref les suivants.
Dans la nuit du 28 au 29 août 1987, un inconnu a violé T. après qu'elle eut quitté un autobus des transports publics et alors qu'elle regagnait son domicile, dans la campagne genevoise. Au cours de la nuit du 11 au 12 octobre 1987, K. a été violée dans des circonstances semblables, mais à un autre endroit de la campagne genevoise. Dans la nuit du 18 au 19 octobre 1987, B. a été violée alors qu'elle venait de quitter l'autobus, à 1 km d'un village genevois.
Le 23 octobre 1987, le chauffeur d'un autobus d'une ligne de campagne des transports publics genevois signala à la police, peu avant minuit, qu'une voiture le suivait, observant tous les arrêts. Le conducteur de ce véhicule privé a été interpellé. C'était M.
Au cours de l'enquête, K. a reconnu formellement M. comme étant celui qui l'avait violée. B. en a fait de même. Les analyses des empreintes génétiques ADN ont pratiquement établi que le sperme trouvé sur le slip de K. était celui de M. En revanche, T. s'est déclarée incapable de reconnaître formellement et absolument celui-ci comme l'homme qui l'avait violée. L'accusé n'a cessé de protester de son innocence.
B.-
Statuant le 19 mars 1991, la Cour de cassation du canton de Genève a rejeté le recours du condamné.
C.-
M. se pourvoit en nullité au Tribunal fédéral. Il allègue une violation des art. 11, 18, 63 et 66 CP (méconnaissance d'un élément d'atténuation de la peine) et demande l'annulation de l'arrêt du 19 mars 1991.
Extrait des considérants:
2.
Le recours de droit public a conduit à l'annulation formelle de l'arrêt attaqué. L'état de fait relatif à deux des trois viols n'a cependant pas été jugé contraire aux droits constitutionnels du condamné; il lie les instances cantonales auxquelles la cause est renvoyée. Dans cette perspective, le recourant conserve un intérêt
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juridique digne de protection à ce que ses moyens tirés du droit fédéral soient d'ores et déjà examinés, dans la mesure où ils concernent les deux crimes encore retenus à sa charge, cela malgré l'issue du recours de droit public (voir
ATF 104 IV 276
consid. 3).
4.
b) Dans le domaine de la fixation de la peine, l'autorité cantonale possède un large pouvoir d'appréciation. Celui-ci est cependant limité par le cadre légal de la sanction prévue pour l'infraction en cause et par l'interdiction de l'abus de ce pouvoir d'apprécier la culpabilité selon les critères prévus à l'
art. 63 CP
. Ainsi, un châtiment prononcé en application de ces critères ne viole le droit fédéral que s'il est exagérément sévère ou clément au point qu'on doive parler d'un excès du pouvoir d'appréciation (
ATF 116 IV 291
consid. b).
Afin que le Tribunal fédéral, saisi d'un pourvoi en nullité, soit en mesure de contrôler si la peine a été fixée conformément aux règles précitées, l'autorité cantonale doit énoncer les éléments importants qui ont dicté sa décision. Plus large est la marge d'appréciation, plus détaillée doit être la motivation (
ATF 116 IV 291
consid. c). Cela vaut en particulier lorsque la sanction prononcée s'écarte de celles habituellement fixées dans des cas comparables; le Tribunal fédéral doit veiller à une application uniforme du droit fédéral également dans ce domaine (
ATF 117 IV 117
consid. cc).
c) En l'espèce, le cadre légal de la peine était extrêmement large; il se situait de moins d'une année d'une peine privative de liberté (sans parler d'une amende concevable par le jeu de l'
art. 66 CP
) à vingt ans de réclusion. La sanction de quinze ans de réclusion prononcée contre le recourant est proche de la limite supérieure de ce cadre. Cela ne correspond pas à la pratique ordinaire. Ce châtiment, comparable à ceux que l'on observe en cas de meurtre, voire d'assassinat, doit être qualifié d'extrêmement sévère. Il apparaît plus rigoureux encore au regard de la responsabilité restreinte, incontestée. Une telle peine ne saurait être prononcée qu'en présence de circonstances aggravantes manifestes et choquantes.
d) Les circonstances aggravantes sont apparemment ici la récidive (puisqu'il semble que le condamné ait purgé récemment une peine privative de liberté en France) et le concours d'infractions. Les instances cantonales ne donnent pas de détails à ce sujet, mais la cour d'assises cite, en tête de la motivation de la peine, les
art. 67 et 68 CP
. En revanche, cette autorité relève la dangerosité du condamné ainsi que le caractère extrêmement grave, lâche et odieux de ses actes, son attitude négative, voire agressive, durant
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l'instruction et notamment ses dénégations, sans toutefois préciser les raisons de ces appréciations. En fonction de ces éléments, la première instance parvient à la conclusion "qu'une peine très sévère s'impose et que même après avoir tenu compte de la responsabilité restreinte de l'intéressé dans le cadre de l'
art. 63 CP
, il apparaît que la peine requise par le Ministère public est justifiée".
Faute de mention des arguments présentés alors par le Ministère public et vu le caractère de simple affirmation de la nécessité d'une peine sévère, le Tribunal fédéral n'est pas en mesure de vérifier ici la conformité de la quotité de la peine avec les principes du droit fédéral (
ATF 116 IV 300
). Les critères énumérés dans l'arrêt attaqué ne suffisent en effet pas pour justifier une peine aussi sévère, compte tenu surtout de la marge d'appréciation extrêmement large laissée au juge.
Ainsi, la décision attaquée doit être annulée en application de l'
art. 277 PPF
.