Urteilskopf
123 III 466
72. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour civile du 20 août 1997 dans la cause dame P. contre dame B. et Caisse publique cantonale vaudoise de chômage (recours en réforme)
Regeste
Übergang des Arbeitsverhältnisses (
Art. 333 OR
).
Definition dieses Begriffes (E. 3a).
Folgen einer Übertragung des Betriebs für die zu diesem Zeitpunkt bestehenden Arbeitsverhältnisse (E. 3b).
A.-
Dame B. est entrée au service de dame P. le 4 janvier 1990 en qualité de serveuse dans son restaurant.
En mars 1994, dame P. a informé dame B. qu'elle cesserait son activité à fin mars 1995, le bail du restaurant arrivant à échéance à cette date; elle l'a dès lors encouragée à chercher du travail en l'assurant qu'elle ne s'opposerait pas à ce qu'elle parte travailler ailleurs avant le 31 mars 1995.
Dame B. est devenue enceinte en octobre 1994.
Par lettre du 23 janvier 1995, dame P. a confirmé la résiliation du contrat de travail de dame B. pour le 31 mars 1995. Celle-ci n'a effectué des recherches d'emploi que dès le 16 mars 1995; elle a ainsi offert en vain ses services au repreneur de l'établissement.
BGE 123 III 466 S. 467
Saisi d'une action de dame B. tendant au paiement de son salaire pour la période du 1er avril au 15 août 1995 et pour celle du 11 septembre 1995 au 29 février 1996, par jugement du 28 juin 1996, le Président du Tribunal civil du district de Morges a condamné dame P. à payer à dame B. la somme nette de x fr. avec intérêts à 5% l'an dès le 2 avril 1996, la Caisse publique cantonale vaudoise de chômage, intervenante, étant subrogée à la demanderesse à concurrence de ce montant.
B.-
Statuant sur recours de la défenderesse, la Chambre des recours du Tribunal cantonal du canton de Vaud, par arrêt du 16 octobre 1996, a très partiellement réformé ce jugement en ce sens que le montant de x fr. dû par dame P. à dame B. était non pas une somme nette, mais une somme brute de laquelle l'employeur devait déduire les cotisations légales et conventionnelles.
C.-
Dame P. recourt en réforme contre cet arrêt au Tribunal fédéral. Elle conclut au rejet des conclusions de la demanderesse et de l'intervenante.
Le Tribunal fédéral a rejeté le recours et confirmé l'arrêt attaqué.
Extrait des considérants:
3.
La défenderesse fait valoir qu'elle n'avait pas la possibilité de conserver la demanderesse à son service, dès l'instant où elle a dû se résoudre à céder son établissement. Elle ne pouvait dès lors pas supporter les conséquences économiques de la jurisprudence susrappelée (
ATF 119 II 449
consid. 2a;
ATF 115 V 437
consid. 3b et les références), laquelle devrait être assouplie. A ses yeux, une telle conclusion s'impose d'autant plus que, si l'intimée était de nouveau devenue enceinte dans les seize semaines suivant son accouchement, l'employeur aurait été exposé au risque de la conserver à son service pendant la nouvelle grossesse et pendant les seize semaines suivant le second accouchement. Cette situation serait "aberrante" et contraire à l'intention du législateur.
Il n'est pas nécessaire d'examiner cette objection, car le moyen est sans pertinence dans les cas où, comme en l'occurrence, l'exploitation de l'entreprise est poursuivie par une autre personne.
a) Selon l'
art. 333 CO
, si l'employeur transfère l'entreprise ou une partie de celle-ci à un tiers, les rapports de travail passent à l'acquéreur avec tous les droits et les obligations qui en découlent au jour du transfert, à moins que le travailleur ne s'y oppose (al. 1).
BGE 123 III 466 S. 468
L'ancien employeur et l'acquéreur répondent solidairement des créances du travailleur échues dès avant le transfert jusqu'au moment où les rapports de travail pourraient normalement prendre fin ou ont pris fin par suite de l'opposition du travailleur (al. 3).
Ces règles résultent de la révision du code des obligations du 17 décembre 1993, entrée en vigueur le 1er mai 1994 (RO 1994 804). Elles s'appliquent à la résiliation d'un contrat de travail précédant un transfert intervenu sous le nouveau droit, à tout le moins lorsque, comme en l'espèce, le délai de congé s'est écoulé sous l'empire de ce droit (
art. 3 tit. fin. CC
). Il ne serait en effet pas admissible que l'employeur puisse empêcher l'application de dispositions relativement impératives de la loi (
art. 362 CO
) en notifiant le licenciement longtemps à l'avance.
Pour qu'il y ait transfert au sens de l'
art. 333 al. 1 CO
, il suffit que l'exploitation soit effectivement poursuivie ou reprise par le nouveau chef d'entreprise. Peu importe qu'il y ait ou non un lien de droit entre le premier exploitant et le second; ainsi, l'
art. 333 CO
s'applique lorsque le propriétaire d'un restaurant résilie le bail du gérant pour contracter avec un autre gérant (cf. Message du Conseil fédéral sur le programme consécutif au rejet de l'Accord EEE, FF 1993 I 829-830, renvoyant au Message I du Conseil fédéral sur l'adaptation du droit fédéral au droit de l'EEE, FF 1992 V 393-394; STAEHELIN, Commentaire zurichois, n. 2 ad
art. 333 CO
; G. AUBERT, La nouvelle réglementation des licenciements collectifs et des transferts d'entreprises, in: Journée 1994 de droit du travail et de la sécurité sociale, Zurich 1995, p. 109-111; ROSSAT-FAVRE, Les adaptations nécessaires du droit privé du travail en vertu de l'accord EEE, in: L'Espace social européen, Colloque de Lausanne 1992, publié par JEAN-LOUIS DUC, Lausanne 1993, p. 110-111).
Dès lors qu'en l'espèce un tiers a repris l'exploitation du restaurant, il y a bien eu transfert d'entreprise au sens de l'
art. 333 CO
. Il est sans importance sous cet angle que ce transfert ne repose pas sur un rapport juridique entre la défenderesse et le tiers.
b) Contrairement à la solution prévalant sous l'ancien droit (
ATF 114 II 349
consid. 3), en cas de transfert d'entreprise, les rapports de travail existant au moment du transfert passent automatiquement à l'acquéreur, même contre le gré de ce dernier (STAEHELIN, op.cit., n. 9 ad
art. 333 CO
; BRUNNER/BÜHLER/WAEBER, Commentaire du contrat de travail, 2e éd., n. 2 ad
art. 333 CO
; BRÜHWILER, Kommentar zum Einzelarbeitsvertrag, 2e éd., n. 1 ad
art. 333 CO
; AUBERT, op.cit., p. 111).
BGE 123 III 466 S. 469
In casu, au jour du transfert, le délai de congé de la demanderesse était suspendu, en sorte que celle-ci était encore liée par le contrat de travail. Le nouvel exploitant du restaurant y devint automatiquement partie, comme employeur. L'intéressée était donc au service de ce dernier, auquel elle a d'ailleurs offert sa prestation de travail. Ainsi, la suspension du délai de congé n'entraînait pas une charge excessive pour la défenderesse, puisque la demanderesse aurait dû être occupée, contre salaire, par le nouvel exploitant. La recourante ne saurait se plaindre de ce qu'elle restait solidairement responsable des obligations du repreneur envers la demanderesse jusqu'au jour où le contrat pouvait normalement prendre fin, puisqu'une telle conséquence résulte de la loi elle-même.
Il n'y a pas lieu d'examiner les conséquences, sur les rapports entre l'ancien et le nouvel exploitant, du refus, par celui-ci, d'occuper la demanderesse. Au demeurant, l'intimée admet que son contrat de travail a pris fin à l'expiration du délai de congé. Il ne convient donc pas de se prononcer sur la validité du licenciement notifié par l'employeur pour le seul motif que l'entreprise allait être transférée (cf. STAEHELIN, op.cit., n. 12 ad
art. 333 CO
, avec les références).