BGE 131 III 535 vom 6. Juli 2005

Datum: 6. Juli 2005

Artikelreferenzen:  Art. 1 CC, Art. 2 CC, Art. 328 CO, Art. 335 CO, Art. 336a CO , Art. 336 OR, art. 2 CC, art. 336 al. 1 let, art. 335 al. 1 CO, art. 2 al. 2 CC, art. 1 CC, art. 328 CO, art. 336a CO

BGE referenzen:  118 II 157, 121 III 60, 123 III 246, 123 III 391, 125 III 70, 128 III 129, 130 III 699, 132 III 115, 133 III 421, 136 III 513, 136 III 552 , 125 III 70, 130 III 699, 123 III 246, 118 II 157, 127 III 86, 128 III 129, 121 III 60, 123 III 391, 127 III 86, 128 III 129, 121 III 60, 123 III 391

Quelle: bger.ch

Urteilskopf

131 III 535


68. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour civile dans la cause Banque X. contre A. (recours en réforme)
4C.110/2005 du 6 juillet 2005

Regeste

Art. 336 OR ; missbräuchliche Kündigung; im Gesetz nicht ausdrücklich genannter Missbrauchsfall.
Entlassung einer Kaderperson, welcher kein Vorwurf gemacht werden kann, um das Ansehen des Arbeitgebers zu wahren, welches durch widerrechtliche Handlungen eines Mitarbeiters im von der entlassenen Kaderperson geleiteten Dienst beeinträchtigt wurde (E. 4).

Sachverhalt ab Seite 536

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Depuis 1976, A. travaillait pour la Banque X. Après avoir commencé son activité en qualité de simple employé, A. a bénéficié régulièrement de promotions et, en 1999, il a été nommé directeur général adjoint, responsable de la gestion, de la supervision et du contrôle de tout le service administratif de la succursale genevoise, dont il était le numéro deux.
Le 31 décembre 2000, A. a obtenu - à sa requête, car l'avenir de la banque était incertain - un certificat de travail intermédiaire très positif du directeur général.
Dès le 1 er janvier 2002, le salaire annuel brut de A. a été porté à 357'012 fr. Un bonus de 112'000 fr. lui a également été versé avec son salaire d'avril 2002, en reconnaissance de sa performance réalisée durant l'exercice 2001.
A la fin de l'année 2001, certains responsables de la banque ont eu des soupçons concernant des activités illicites commises par B., un employé occupé dans le service dirigé par A. Il s'est avéré que, pendant au moins dix ans, B. s'était présenté comme un gestionnaire de la banque pour obtenir des fonds de la part de ses victimes. Au total, une trentaine de personnes ont été lésées, pour un montant total dépassant les onze millions de francs.
Le 15 janvier 2002, A. a été mis au courant des agissements de B. et a aussitôt entrepris des démarches. Le directeur général, absent à ce moment, a déclaré à son retour que les mesures appropriées avaient été prises.
L'enquête interne menée par la banque n'a signalé aucune faute relevant de la compétence de A., alors qu'elle s'est révélée plus critique envers le supérieur direct de B., qui était lui-même sous les ordres de A.
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Le 29 avril 2002, A. a été licencié avec effet au 31 juillet 2002. La lettre de licenciement indiquait que " suite aux graves événements qui se sont produits au début de cette année au sein de notre établissement, à la suite d'actions commises par l'un de nos anciens collaborateurs dont vous assumiez la responsabilité, nous devons constater que le lien de confiance qui vous liait à notre banque n'existe plus ". Cette lettre ne comportait aucune référence à une violation précise des règles de la banque.
Avant cette lettre de licenciement, A. avait toujours obtenu des états de service élogieux et la banque n'avait jamais formulé de reproche à son encontre.
Il a été retenu que A. avait été licencié en raison de sa position hiérarchique supérieure, afin de sauvegarder l'image de la banque ternie par l'affaire B., alors que les reproches allégués contre le directeur général adjoint n'ont pu être établis. Ce dernier avait ainsi tenu le rôle du "fusible".
Au moment de son licenciement, A. avait accompli 26 ans et 7 mois au service de la Banque X. et était âgé de 52 ans.
En temps utile, A. s'est opposé par écrit à son licenciement et a réclamé le versement des indemnités contractuelles prévues. La Banque X. a répondu qu'un licenciement sans indemnité était justifié, car A. avait failli à son devoir de surveillance.
A. a assigné la Banque X. auprès de la Juridiction des prud'hommes du canton de Genève. En première instance, la Banque X. a été condamnée à payer à A. 584'016 fr. 70 brut à titre d'indemnité de départ et 29'750 fr. net correspondant à un mois de salaire à titre d'indemnité pour résiliation abusive. Ce jugement a été confirmé en appel.
La Banque X. interjette un recours en réforme au Tribunal fédéral en concluant à ce que A. soit débouté de toutes ses conclusions.

Erwägungen

Extrait des considérants:

4. En dernier lieu, la défenderesse reproche à la cour cantonale d'avoir violé le droit fédéral, en particulier l' art. 336 al. 1 let . c CO, en considérant qu'elle avait mis fin au contrat de travail du demandeur de manière abusive.

4.1 Selon le principe posé à l' art. 335 al. 1 CO , le contrat de travail conclu pour une durée indéterminée peut être résilié par
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chacune des parties. En droit suisse du travail prévaut la liberté de la résiliation, de sorte que, pour être valable, un congé n'a en principe pas besoin de reposer sur un motif particulier (arrêt du Tribunal fédéral 4C.174/2004 du 5 août 2004, consid. 2.1; cf. ATF 127 III 86 consid. 2a). Le droit fondamental de chaque cocontractant de mettre unilatéralement fin au contrat est cependant limité par les dispositions sur le congé abusif ( art. 336 ss CO ; ATF 130 III 699 consid. 4.1), notamment par l' art. 336 al. 1 let . c CO qui qualifie d'abusif le congé donné par une partie seulement afin d'empêcher la naissance de prétentions juridiques de l'autre partie résultant du contrat de travail.
Bien que l'arrêt attaqué ne soit pas très clair à ce sujet, il semble que les juges aient, à juste titre, écarté l'application de cette dernière disposition. En effet, il a été retenu que la défenderesse n'avait pas résilié le contrat en vue d'empêcher la naissance de l'indemnité de licenciement. Le demandeur, employé de la banque depuis 26 ans, y avait d'ailleurs en principe droit en cas de licenciement ordinaire. Ce cas de figure ne correspond donc pas à la situation visée à l' art. 336 al. 1 let . c CO, ni du reste à aucun autre état de fait mentionné expressément à l' art. 336 CO . Il reste donc à examiner si le licenciement du demandeur peut être tenu pour abusif pour un autre motif que ceux découlant expressément de cette disposition.

4.2 L'énumération prévue dans la loi n'est pas exhaustive (cf. ATF 125 III 70 consid. 2a; ATF 123 III 246 consid. 3b). Elle concrétise avant tout l'interdiction générale de l'abus de droit et en aménage les conséquences juridiques pour le contrat de travail. D'autres situations constitutives de congé abusif sont donc également admises par la pratique (cf. REHBINDER/PORTMANN, Commentaire bâlois, n. 22 ss ad art. 336 CO ). Elles doivent toutefois comporter une gravité comparable aux cas expressément mentionnés à l' art. 336 CO (arrêt 4C.174/2004 précité, consid. 2.1 et les arrêt cités).
L'abus de la résiliation peut découler non seulement des motifs du congé, mais également de la façon dont la partie qui met fin au contrat exerce son droit ( ATF 118 II 157 consid. 4b/bb p. 166, confirmé in ATF 125 III 70 consid. 2b). Lorsqu'une partie résilie de manière légitime un contrat, elle doit exercer son droit avec des égards. Elle ne peut en particulier jouer un double jeu, contrevenant de manière caractéristique au principe de la bonne foi ( ATF 125 III 70 consid. 2b; ATF 118 II 157 consid. 4b/cc p. 167). Ainsi, un
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comportement violant manifestement le contrat, par exemple une atteinte grave au droit de la personnalité dans le contexte d'une résiliation, peut faire apparaître cette dernière comme abusive. En revanche, un comportement qui ne serait simplement pas convenable ou indigne des relations commerciales établies ne suffit pas. Il n'appartient pas à l'ordre juridique de sanctionner une attitude seulement incorrecte (arrêt 4C.174/2004 précité, consid. 2.1 in fine). Par exemple, le fait pour l'employeur d'avoir affirmé à son collaborateur qu'il ne serait pas licencié et de lui notifier son congé une semaine plus tard est un comportement qui n'est certes pas correct, mais qui ne rend pas à lui seul le congé abusif (arrêt 4C.234/2001 du 10 décembre 2001, consid. 3b non publié à l' ATF 128 III 129 , traduit in SJ 2002 I p. 389).
Il faut souligner que l'interdiction de l'abus de droit au sens de l' art. 2 al. 2 CC réprime bien davantage que de simples chicanes; elle ne suppose en revanche pas que celui qui abuse de son droit ait l'intention de nuire ni que le procédé utilisé soit lui-même immoral (MAYER-MALY, Commentaire bâlois, éd. 1996, n. 8 ad art. 2 CC ). Il peut ainsi y avoir abus de droit en cas de disproportion évidente des intérêts en présence, en particulier lorsque la norme applicable a justement pour but de mettre en place une certaine balance des intérêts (MERZ, Commentaire bernois, n. 371 ss ad art. 2 CC ). Tel est le cas de l' art. 336 CO , dès lors que la résiliation abusive du contrat de travail exprime une limitation légale à la liberté contractuelle de celui qui met fin au contrat, afin de protéger le cocontractant qui a, pour sa part, un intérêt au maintien de ce même contrat (VISCHER, Commentaire zurichois, n. 2 ad art. 336 CO ). L'idée sous-jacente est avant tout d'offrir une protection sociale au salarié licencié abusivement, dès lors que la protection du congé n'a pas de portée pratique pour l'employeur (VISCHER, op. cit., n. 4 ad art. 336 CO ; REHBINDER, Commentaire bernois, n. 3 ad art. 336 CO ).
Hormis les cas de disproportion des intérêts, l'abus peut aussi résulter de l'exercice d'un droit contrairement à son but (cf. BAUMANN, Commentaire zurichois, n. 354 ad art. 2 CC ; MERZ, Commentaire bernois, n. 316 ad art. 2 CC ). Pour déterminer quel est le but poursuivi par une disposition légale, il convient notamment de tenir compte des intérêts protégés. Chacun peut s'attendre à ce que les droits dont il doit supporter l'exercice n'aillent pas à l'encontre du but visé par la disposition légale qui les met en oeuvre (MERZ, op.
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cit., n. 51 ad art. 2 CC ; MEIER-HAYOZ, Commentaire bernois, n. 192 ss ad art. 1 CC ). Sous cet angle également, l'intérêt légitime du salarié au maintien du contrat doit donc être pris en compte lors de l'examen du caractère abusif du congé donné par l'employeur. Ainsi, un licenciement pour simple motif de convenance personnelle peut être qualifié d'abusif (cf. AUBERT, L'abus de droit en droit suisse du travail, in L'abus de droit, Saint-Etienne 2001, p. 101 ss, 109). Le fait qu'en droit suisse, l'existence d'une résiliation abusive ne conduise en principe pas à son invalidation, mais seulement à une indemnisation versée à celui qui en est victime ne change pas l'appréciation du point de savoir si le licenciement s'est exercé conformément à son but.
Il convient donc d'examiner, à l'aune de ces principes, si le licenciement du demandeur peut être qualifié d'abusif compte tenu des circonstances d'espèce (cf. ATF 121 III 60 consid. 3d p. 63).

4.3 Comme il l'a déjà été indiqué, les motifs du congé relèvent du fait et ne peuvent être revus dans le cadre de la présente procédure ( ATF 130 III 699 consid. 4.1 p. 702 et les arrêts cités). Il ne sera donc pas entré en matière sur l'argumentation de la défenderesse dans la mesure où celle-ci prétend que le licenciement ne serait pas abusif en se fondant sur d'autres motifs de congé que ceux retenus dans l'arrêt attaqué.
Si l'on s'en tient aux constatations cantonales, il apparaît que le demandeur a été licencié en regard de sa position hiérarchique supérieure, pour sauvegarder l'image de la défenderesse ternie par l'affaire B., parce qu'il fallait un responsable, un "fusible". La banque n'est en revanche pas parvenue à démontrer l'existence de manquements de la part de son directeur général adjoint. Les juges ont relevé au contraire que le demandeur, employé pendant plus de 26 ans par la défenderesse, avait obtenu de longs et élogieux états de service et que la banque n'avait jamais formulé de reproche à son encontre avant la lettre de licenciement. La défenderesse a du reste remis au demandeur, un certificat de travail intermédiaire au 31 décembre 2000 mettant en évidence ses compétences de direction et le directeur général a lui-même admis que les mesures appropriées avaient été prises dès le moment où le demandeur avait été mis au courant des agissements de l'employé escroc. Enfin, le rapport interne de la banque ne signalait aucune faute relevant de la compétence du directeur adjoint.
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Contrairement à ce que soutient la défenderesse, un tel licenciement apparaît comme abusif. En effet, en congédiant le demandeur, la banque a exclusivement cherché à préserver ses propres intérêts et à sauvegarder son image auprès des tiers, ternie par les détournements commis par l'un de ses employés. Pour atteindre cet objectif, il fallait qu'elle donne l'impression d'avoir pris les mesures adéquates, afin d'éviter que de telles irrégularités ne se reproduisent, c'est pourquoi elle a licencié le demandeur, en sa qualité de supérieur hiérarchique. La coïncidence entre les événements implique que, dans les milieux bancaires de la place, le demandeur n'a pu qu'inévitablement apparaître lié, d'une manière ou d'une autre, aux irrégularités commises par l'employé escroc, alors qu'il a précisément été retenu qu'aucun reproche ne pouvait lui être adressé à cet égard. Un tel procédé constitue une atteinte à la personnalité du demandeur de la part de la défenderesse qui, en sa qualité d'employeur, se devait au contraire de la protéger ( art. 328 CO ). En définitive, la défenderesse a agi par pure convenance personnelle, faisant abstraction de l'intérêt légitime du demandeur à conserver un emploi qu'il occupait depuis plus de 26 ans à l'entière satisfaction de la banque, sans hésiter à ternir de manière imméritée la réputation personnelle et professionnelle de ce cadre auprès d'autres employeurs potentiels. Un congé donné dans ce contexte ne saurait être couvert par la liberté du licenciement.
Dans ces circonstances, on ne voit pas que la cour cantonale ait violé l' art. 336 CO en qualifiant la résiliation du contrat de travail en cause d'abusive.
Enfin, l'indemnité allouée en vertu de l' art. 336a CO , qui n'est du reste pas remise en cause dans la présente procédure, a été fixée conformément au droit fédéral (cf. ATF 123 III 246 consid. 6a, ATF 123 III 391 consid. 3).
Le recours doit par conséquent être rejeté.

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